Après moult projets jouissifs annulés, Gans revient avec un nouveau film français bien de chez nous et que le film bénéficie quasi intégralement d'une équipe française. Une fierté de voir encore une fois un des réalisateurs nationaux les plus doués de sa génération pondre un film qui semblerait avoir coûté 100 millions de dollars pour seulement 35 millions soit beaucoup moins qu'Astérix et les Jeux Olympiques, daube ultime nationale dont aurait même honte Uwe Boll.
Pour un film de ce genre (très rare en France), La Belle et la Bête demeure certainement le plus aboutit visuellement. Gans se lâche sur les SFX, sur la photo onirique de type fantasy, sur l'univers magique et féérique tout en gardant vraiment une sobriété à toute épreuve. Le film se distingue clairement des pendants du genre américain sponso Stabilo soit par un déluge improbable de péripéties mégalos insipides (Jack et les géants, Alice de Burton et cie). Gans évite tout cela en prenant son temps : des plans mirifiques, des SFX réussis voir même bluffant pour un tel budget, et une mise en scène plutôt classique tout en épousant clairement une volonté d 'iconiser la Bête et d’envouter le public avec des mouvements d'amples mouvements de caméra. Les couleurs resplendissent mais gardent un teint naturel sans oublier que nous sommes dans un conte. Peu temps de péripéties, un rythme assez lent, une vraie poésie picturale à la Gans (les fleurs , les pétales qui volent, le vent, la scène de danse).
Le réalisateur semble s'être inspiré de Myazaki (l'écologie, la nature, critique de la chasse, la forêt, les esprits, la bête, l'ambiance) et confère au conte un message social/écolo simpliste (le prince devient paysan, Belle vient enfin son rêve d'une maison dans la nature à faire pousser des fleurs = le rejet de sa vie d'aristocrate, le rejet de la richesse au profit d'un air pur) mais à l'opposé du Cocteau ou du Disney où la femme court toujours après un riche prince pour justement se défaire d'une vie misérable de paysanne ce qui m'a toujours énervé (et c'est presque le même message nauséabond dans tous les Disney avec une nana).
Le conte est bien plus respecté que les version Disney et Cocteau bien que ce dernier soit clairement cité dans cette nouvelle adaptation. Les musiques sont classiques, sympas mais un peu redondantes. Pour parler des points négatifs, on pourra citer le casting inégal et l'acting décevant même si on se doute bien que le film n'en demandait pas des tonnes (les sœurs de Belle, l'humour, la transparence des frères....
) et c'est cela le problème : actuellement, les contes sont revisités afin de leur donner plus de réalisme, plus de profondeur et de ténèbres (Blanche Neige, Maléfique) mais Gans reste campé sur une vision du conte assez peu originale. Pas vraiment une réécriture en soit, La belle et la bête ne peut pas se targuer d'être très atypique. Le type de conte un peu creux, qui sied quand on est gamin mais qui parait vide, creux et insipide une fois adulte malgré le fond, la morale et les thèmatiques. C'est le ton qui ne va pas (et la caractérisation ; même si ce film est 10x fois supérieur aux autres adaptions de contes) , qui ne se renouvelle pas vraiment ; pas le sens.
On aurait pu avoir une matière plus riche, plus intense, plus profonde et même Cassel n'offre pas cela. Le design de la bête semble avoir été fait par un mec des années 1800. A quand une adaptation avec une vraie "bête" et pas un félin sublimé par une coupe de cheveux Petrol Hahn et un pelage digne d'une fourrure fraichement lavée et parfumée ? De plus , son introduction n'a rien de mémorable alors que c'est bien le genre de film où le suspens , l'attente et la discrétion sont primordiaux. Flous, hors champ, effets sonores, voix, plan de dos, Gans le fait bien mais si peu de temps que ça ne permet pas de jouir lors de l'apparition de la bête)
D'ailleurs les deux sfx les moins bons du film sont les petits chiens (ridicule, ajout qui ne sert à rien et qui nuit un peu à la sobriété de l’œuvre) et la bête, presque inexpressive et trop "humanisée" même si c'est logique vu qu'au départ c'est un homme (les géants ça reste dans la brume, de nuit et ça dure peu de temps). Mais c'est ça le problème de ce conte: on a jamais une vraie bête en face mais une chimère magnifique et charismatique. Bref, cette vision classique peut plaire mais elle est de moins en moins crédible et à aucun moment la mise à jour ne se fait sentir (sauf sur les 5 dernières minutes et le message : au final en épousant un point de vue classique Gans se permet de jouer avec et dans les dernières minutes de lui rire au nez ...
Peut-être qu'il veut se rapprocher du message original à savoir que les apparences sont trompeuses : l'apparence laide du monstre ne reflète pas ce qu'il est et c'est pareil avec ce film, son final est l’antithèse des versions précédentes du conte) ). Aucune surprise dans le traitement donc. Tous les flashbacks sont peu mis en avant, pas assez développés du coup Cassel ne sert pas à grand chose alors que son rôle aurait pu être bien mis en avant. On a jamais vraiment conscience de sa malédiction : le temps , la solitude et la souffrance sont si peu exprimés....
A retenir la photo, les sfx, la sobriété , la direction artistique costumes, décors , la mise en scène , mais pour les acteurs et l'écriture on repassera. Un film de fantasy à la française par Gans on aurait pu s'attendre à plus dark même si son respect des codes et du conte peut plaire. En tout cas, ce cinéaste se répète peu, tente de nouvelles choses et promet un cinéma français rare donc forcément attachant quand il aboutit à des œuvres aussi carrée sur la forme.