[Mark Chopper] Mes critiques en 2014

[Val]

Je suis bien parti pour voir l'intégrale, à part ses deux documentaires qui m'attirent peu.

Tu vas te régaler avec le prochain.

[Mark Chopper]

Oh, je te trouve un peu radin sur le coup; la conclusion précipitée m'a décontenancé également, mais elle ne contredit pas la force du film. Et au vu de ta critique, on pourrait penser que tu irais plus haut qu'un 7,5/10. Un très grand film

"Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point."

Pour que je monte plus haut, il faut m'emporter, me faire oublier le temps qui s'écoule, me hanter... Ici, ça n'a pas été le cas d'un bout à l'autre et si la séance fut bonne, je doute de la réitérer avant fort longtemps.

Un film à voir, brillant (surtout replacé dans son contexte), mais de là à faire péter la très grosse note : non.

[maltese]

Là, rien à redire effectivement, on ne peut pas tricher avec son ressenti. Moi le style de Clouzot me fascine, et je rejoins Val, Quai des Orfèvres est très marquant également.

[Alegas]

Quai des orfèvres, de Henri-Georges Clouzot (1947)

L'histoire : L'époux d'une chanteuse, en proie à la jalousie, menace un vieil homme influent qui s'intéresse à celle-ci. Peu de temps après, ce dernier est retrouvé mort à son domicile...

Interdit à vie de mise en scène pour avoir réalisé Le Corbeau, Henri-Georges Clouzot voit finalement sa peine réduite à deux ans grâce à de nombreux soutiens. Il revient donc, sans chercher à faire profil bas, avec Quai des orfèvres : il s'agit d'une histoire de meurtre (assez banale) et d'une enquête dont la résolution importe moins que la manière dont le cinéaste traite ses personnages. Dans L'Assassin habite au 21, son premier long-métrage, une enquête ludique figurait au premier plan et l'on pouvait deviner, à travers elle, une vision assez sombre de l'humanité. Ici, bien au contraire, la noirceur s'affiche au premier plan et l'on distingue, en filigrane, toute la compassion dont Clouzot, contrairement à sa réputation de misanthrope, semble capable : toutes les saillies verbales de l'inspecteur interprété par l'excellent Louis Jouvet, jamais avare de répliques misogynes et toujours prêt à remettre un importun à sa place, cachent à peine un père aimant et si l'enquête malmène le couple Bernard Blier/ Suzy Delaire (pas toujours très justes...), l'amour, l'amitié et la solidarité finissent par l'emporter. Ainsi, avec ce troisième long-métrage, le cinéma de Clouzot apparaît moins pessimiste que profondément humaniste... En dépit de ses qualités, Quai des orfèvres souffre toutefois d'une enquête sans surprise, pas toujours passionnante sur la longueur, malgré le soin apporté à la forme, l'excellence des dialogues et le ton parfois osé pour l'époque (voir comment le cinéaste traduit le désir et évoque l'homosexualité féminine). Une légère déception pour un film moins ludique que ses deux prédécesseurs, mais qui n'en demeure pas moins intéressant.

Note : 6,5/10

[Val]

Dommage que tu ne soit pas plus rentré dedans, j'avais totalement accroché pour ma part.

[Mark Chopper]

Moui, ça prend un peu trop son temps je trouve. Bon, je m'attends à souffrir un peu avec Manon maintenant.

[maltese]

Ouh, les acteurs sont insupportables dans celui-là

[Mark Chopper]

Overheard 2, d'Alan Mak et Felix Chong (2011)



• CHALLENGE BOM JUIN 2K14 •

L'histoire : Un trader corrompu découvre qu'il est surveillé par un espion et qu'il a été placé sur écoute. Interrogé par un policier opiniâtre, il se retrouve pris entre deux feux...

Overheard 2 reprend le trio d'acteurs (Louis Koo, Lau Ching-wan, Daniel Wu) et le principe (une enquête basée sur des écoutes) du premier Overheard. Mais il ne s'agit pas d'une suite, puisqu'il propose de nouveaux personnages et une autre intrigue : il surclasse d'ailleurs sans peine son prédécesseur, malgré des défauts qui persistent. Même si l'histoire se déroule toujours en grande partie dans des bureaux, il livre un peu d'action (surtout une poursuite moto/voitures bien torchée) et parvient à intéresser malgré l'opacité de certains dialogues sur le marché boursier. Il met également la pédale douce sur les traumas larmoyants (le premier avait battu des records), même si on n'échappe pas au personnage de la mère atteint d'Alzheimer et au couple qui bat de l'aile. Cette fois, les personnages parviennent à exister au-delà des clichés : si l'on a connu Lau Ching-wan plus convaincant que dans ce rôle de trader et si Louis Koo en fait trop avec son look pour incarner un flic opiniâtre, la bonne surprise vient de Daniel Wu. Dans son rôle d'espion revanchard, il vole la vedette à ses deux partenaires... L'idée de la franchise Overheard est simple : exit les triades, les grands criminels d'aujourd'hui travaillent dans des bureaux et jouent avec l'argent des autres. Ce qui se traduit par une histoire souvent plan-plan, mais parfois intéressante. A défaut de constituer une référence du thriller paranoïaque, Overheard 2 permet de passer un moment agréable. Et l'idée d'un troisième opus dont l'action se déroule au cours des années 1980 a de quoi intriguer.

Note : 5,5/10

[Mark Chopper]

Archimède le clochard, de Gilles Grangier (1959)

L'histoire : Clochard de son état, Archimède refuse de dormir sous les ponts. Pour passer l'hiver au chaud, il décide de se faire enfermer en prison, mais rien ne se passe comme prévu...

Avis express... Un véhicule pour Jean Gabin, qui en a eu l'idée originale. A savoir un film où un clochard, intelligent et cultivé, se moque des rouages de la société, de la bien-pensance et des différentes classes sociales. Son personnage a du bagou et tout le monde en prend pour son grade : les autres clochards, les ouvriers, les patrons, les bourgeois... A l'écran, grâce aux dialogues signés par le fidèle Michel Audiard, ça donne de bien belles joutes verbales. Surtout lorsque Gabin fait face à Bernard Blier en patron de bistrot qui s'inquiète de l'état de son foie et veut faire boire de la piquette coupée au Miror à son client encombrant... C'est souvent drôle, mais ça ne tient pas la route sur la longueur. On peut même dire que, faute d'un solide fil conducteur, la dernière demi-heure se révèle poussive. Néanmoins, la grande force de Jean Gabin réside dans sa capacité à porter un film à lui seul, ou presque, et à rendre son visionnage agréable. Son personnage, un véritable tourbillon anarchiste, sait se montrer touchant et fait rire... Ce qui est parfois suffisant pour passer un bon moment, à défaut de faire un grand film.

Note : 6/10

[Alegas]

Rue des prairies, de Denys de La Patellière (1959)

L'histoire : Un homme élève seul ses trois enfants après le décès de sa femme...

Un an après Les Grandes familles, Jean Gabin retrouve le cinéaste Denys de La Patellière et interprète de nouveau un patriarche. Exit la riche famille d'industriels ici : place à un rôle d'ouvrier parisien qui doit élever seul ses trois enfants dans un film non dénué d'humour, grâce à l'habituelle éloquence de Michel Audiard aux dialogues. Les deux aînés semblent réussir dans la vie, lui en qualité de cycliste professionnel, elle en tant que modèle, tandis que le cadet ne cesse de poser des problèmes de discipline. Se pose alors la question des liens du sang, ce dernier n'étant pas le fils du personnage incarné par Jean Gabin, mais le fruit d'une relation adultère entretenue par son épouse pendant la guerre. Malgré tout, le secret est bien gardé et l'enfant traité comme les autres. Bien vite, la bonne entente générale disparaît : les aînés, parvenus à l'âge de la majorité, s'émancipent. Attirés par l'argent facile, ils rejettent leur milieu modeste. Et ce rejet passe par celui du père, qui a pourtant tout sacrifié pour eux... Le cœur du film réside ici : dans l'idée que pour devenir adulte certains tuent le père de manière symbolique et dans le fait que les liens du sang comptent moins que les liens affectifs (comme un lointain précurseur de Tel père, tel fils de Hirokazu Kore-eda, avec lequel il partage une belle justesse). Touchant, bien écrit et solidement interprété : voilà un film qui ne mérite pas son relatif anonymat.

Note : 7,5/10

[osorojo]

Ça donne envie ces films avec le monstrueux Gabin. Je me laisserais bien tenter

Tu te fais un cycle ? Entre deux Clouzot ?

[Mark Chopper]

Disons que j'ai envie depuis le début de l'année de consommer français. C'est un cinéma que je connais très mal et il faut reconnaître que des années 30 aux années 70, il se révèle très intéressant. Et puis Gabin a une sacrée filmo...

Clouzot par contre, je vais faire une pause. Manon m'a trop fait souffrir.

[Mark Chopper]

Manon, de Henri-Georges Clouzot (1949)

L'histoire : Un homme et une femme sont découverts par le capitaine d'un navire alors qu'ils voyagent en clandestins au milieu d'émigrants juifs en route pour la Palestine. Ils racontent alors leur histoire...

Un long-métrage de Clouzot considéré comme mineur et pour cause. Parlons d'emblée du principal défaut : les acteurs. C'est simple, à part Serge Reggiani on assiste à une accumulation d'erreurs de casting... Cécile Aubry, avec son air de Belle des champs attardée et sa voix de femme-enfant crispante, ne joue jamais juste. En ce sens, elle et ce bellâtre de Michel Auclair se révèlent bien assortis. Les pauvres ne sont pas aidés par des dialogues atroces qui sonnent faux (comment un dialoguiste aussi bon que Clouzot a pu pondre des horreurs pareilles ?) et deviennent vite embarrassants. Jamais on ne croit à cet amour qui naît à l'écran, à cette jalousie qui finit par consumer le héros et au caractère de sa compagne, naïve et arriviste. L'intérêt du film se situe donc ailleurs, il réside dans cette peinture de la France d'après-guerre, dans l'évocation des petites combines que certains mettent en œuvre pour s'enrichir plutôt que de trimer pour trois fois rien. Problème : Clouzot s'en désintéresse le plus souvent et se concentre sur son couple bidon, cette femme prête à se prostituer et cet amoureux fou poussé au meurtre par la passion. Et le final en mode Lawrence d'Arabie du pauvre, avec son symbolisme ampoulé et ses dialogues toujours plus atroces, parachèvent le massacre : un échec total ou presque.

Note : 2,5/10

[Mark Chopper]

La Beauté du diable, de René Clair (1950)

L'histoire : Le professeur Faust, un savant au crépuscule de sa vie, rumine les regrets d'une vie qu'il estime manquée. Un démon, Méphistophélès, apparaît pour lui proposer la richesse et la jeunesse éternelle en échange de son âme...

L'un des rares classiques du fantastique à la française. Et ce même si l'image du cinéma de René Clair a longtemps été malmenée : du cinéma "à la papa", littéraire et académique. Vieillot et dépassé (la Nouvelle Vague est passée par là). Ce qui n'est pas tout à fait faux, mais l'on peut voir le verre à moitié plein. Le charme suranné de La Beauté du diable paraît intemporel (certains y verront sans doute un excès de théâtralité), la direction artistique et la photographie se révèlent superbes et flattent souvent la rétine. Et la mise en scène propose un grand moment de cinéma : la scène où le professeur voit son reflet se détacher de lui dans un miroir pour lui permettre de découvrir son avenir s'impose, pour l'époque, comme un réel tour de force visuel/narratif. Il s'agit donc d'une relecture du mythe de Faust : un émissaire du diable fait revivre à un vieux savant sa jeunesse et lui fait découvrir ce qu'il a manqué en consacrant sa vie à l'étude. Soit les plaisirs de la fête, de l'ivresse et de l'amour. Problème : le jeu forcé des acteurs, qui récitent leur texte avec un balai dans le cul... Ce qui tranche avec le cabotinage de Michel Simon qui s'en donne à cœur joie dans le rôle de Méphistophélès, tel un chien dans un jeu de quilles. Certains trouveront qu'il en fait trop (grimaces, modulations de voix), mais le rôle le permet. Il apporte de la vie à un récit parfois plan-plan, pas exempt de coups de mou. Mais il jure parfois avec la noirceur de l'histoire, qui parle de régicide et évoque le péril atomique... Une noirceur qui semble peu assumée par René Clair, comme un poids trop lourd pour lui. En résumé : une curiosité à découvrir pour son charme formel et le jeu de Michel Simon, mais qui souffre de problèmes d'écriture (rythme, déséquilibre thématique) et d'interprétation.

Note : 6/10

[maltese]

Dur mais plutôt juste pour Manon. Effectivement, j’ai rarement vu des acteurs être autant à côté de la plaque. Et le final sans subtilité concernant le retour des juifs en terre promise… Dommage ce film.

(Bon, et Miquette et sa mère maintenant ? )