Seul au monde, Robert Zemeckis (2000)
Fidèle à ses thématiques, Robert Zemeckis nous offre ici un beau film sur la destinée et les effets du temps sur les relations humaines et la communication, via cette remise au goût du jour de la fameuse histoire de Robinson Crusoé.
On rentre directement dans le sujet avec ce haut cadre de la compagnie Fedex qui, tout comme aujourd'hui Facebook et Twitter, a raccourci les distances entre les différentes parties du monde (très bon faux plan-séquence sur l'acheminement d'un de ces paquets), mais a contrario a fait muter notre rapport au monde (il est presque antipathique, et la petite séquence avec son ami qui fait état de la maladie de sa femme, mine de rien, est très importante pour comprendre comment lui-même va évoluer en bien à travers l'épreuve qui va suivre). Donc derrière ses airs de succès tout public (avec notamment le sympathique Tom Hanks en rôle-titre), ce film livre un propos on ne peut plus profond et contemporain sur la condition humaine, guidé par une mise en scène assez subtile mais facile d'accès, à l'instar de cette séquence où Tom aura à choisir entre sa propre survie et sauver cette montre à l'effigie de sa fiancée.
Le crash de l'avion qui marque le tournant du film est vraiment immersif et crédible. Et il est très appréciable que l'écueil du flash-back et de la musique pompante soit évité pour livrer en fait l'une des plus belles expériences et brut de naturel sur la solitude qu'il m'ait été donné, ainsi qu'un re-branchage paradoxal au monde. Tandis que le début figurait une certaine superficialité et rush dans les relations, le temps ici s'étire et on prend conscience du relatif petit espace à travers de longs plan-séquences silencieux. C'est ma partie préférée où on traite de la survie à hauteur d'homme, avec une nature qui apparaît telle qu'elle est, livrant de superbes spectacles visuels, mais capable aussi d'un petit jeu presque cruel avec l'homme lorsque ce dernier n'a pas ce qu'il veut. J'aime beaucoup la façon dont il s'adapte tout en s'aidant un peu, en détournant l'utilisation des objets de sa compagnie, en allant à l'efficace mais en apprenant aussi à prendre le temps nécessaire, après une série d'échecs cuisants qui font parfois bien mal.
J'avais souvenir que la seconde partie avec le fameux ballon (oui, deuxième meilleur acteur du film par sa présence étonnante) et la folie qui s'empare de Tom durait plus longtemps, mais finalement elle passe très bien comme elle est et traite d'assez belle manière de l'importance de figurer la présence de la société pour préserver tant bien que mal sa santé mentale. Enfin le dernier acte, trop long pour certains, est en fait peut-être la partie qui murit le mieux, car il montre à quel point le temps a fait son oeuvre, parfois tristement (ce qui se passe avec sa fiancée), parfois avec humour (le sentiment d'abondance de certaines choses qui manquaient sur son île), et avec la même nonchalance que sur l'ile, le personnage prend son temps pour retrouver ses marques et un sens à sa vie, avec une fin ouverte et optimiste (la croisée des chemins) pour représenter tout ça peut-être pas très subtile mais qui au moins parlera à tous.
Dernier point, je ne comprends pas la critique du placement de pubs tant je trouve qu'au contraire Robert Zemeckis ne cesse de détourner, avec une ironie mordante, cette intention trompeuse. Et c'est avec la même intelligence que le message implicite du film mute autour de la survie, passant de l'adaptation au lâcher-prise. Bref, un film qui déploie de belles qualités humanistes, sans pour autant être ennuyeux grâce à une perspective réaliste et immersive, ainsi qu'à Tom Hanks qui livre ici l'une de ses meilleures prestations par l'émotion qu'il parvient à communiquer au spectateur (seul acteur durant 1h30 !).
Note : 8/10