CHALLENGE BOM JUIN 2K14
Batman Begins, Christopher Nolan (2005)
Au fil des visions, les qualités autant que les défauts de ce come-back de la franchise Batman me sautent aux yeux, ce qui fait que je revois ce Begins légèrement à la baisse. L'une de ses plus grandes forces, c'est indéniablement son écriture. Certes, on peut reprocher au film et à toute la trilogie que c'est sur-écrit, mais après deux Burton qui a modelé Batman avec plus ou moins de talent selon ses obsessions, et deux suites insignifiantes voire nulles (le quatrième est collector), on ne peut que se réjouir, surtout si on est fan comme moi de l'homme chauve-souris à la personnalité torturée, qu'on nous offre enfin un véritable Batman dans toute sa splendeur. Mais si ce nouveau Batman est très respectueux de l'univers de base (la mort des parents de Bruce Wayne, la peur primale de ce dernier des chauves-souris, et Gotham City comme ville de la pègre), on retrouve aussi toute la patte de Nolan, avec notamment ses thèmes de l'identité, et d'une idée qui prend corps (ici aux yeux des ennemis de Batman), intégrés subtilement au script. Dans la continuité de Spiderman, Nolan a donc su redonner un souffle nouveau aux films de super-héros, fidèlement mais sans se renier, en commençant par ce Begins qui livre le temps nécessaire pour étoffer le personnage principal, ici Bruce Wayne et non Batman, confirmant ainsi sa coupure avec les autres épisodes qui se concentraient plus sur ce dernier.
A contrario, la mise en scène est trop fonctionnelle et calibrée. Elle manque de piquant et d'audace. Car lorsqu'il s'agit d'incarner ce Batman à la limite de la schizophrénie illustrée par la voix gutturale de Bruce, et le symbole de la peur qu'il est censé transmettre à ses ennemis, ça pêche un peu par rapport à l'ampleur des dialogues. De même, la ville de Gotham manque terriblement de personnalité et ressemble à n'importe quelle autre (en même temps ça donne un cadre réaliste et crédible qui facilite l'implication). Plus grave, les combats sont filmés à l'arrache où on ne voit presque rien. Nolan n'a jamais été doué pour filmer l'action. Certes, sa manière de détourner les codes du Blockbuster pour en étoffer le scénario et y insuffler subtilement sa vision personnelle forcent le respect, et entre-nous, c'est tout l'intérêt de ce film. Cela étant, la réalisation en pâtit. Sans le montage qui pose le rythme au film comme un métronome efficace (appuyé par la bande-son), celle-ci paraît plan-plan avec une caméra trop statique. Dernier gros bémol, Katie Holmes est comme d'habitude transparente (sans être détestable), qui rappelle que Nolan n'a jamais été doué (du moins dans les Batman) pour choisir ses actrices au contraire de son casting masculin, ici irréprochable, avec en tête Christian Bale qui incarne le Batman le plus crédible de toute la saga avec la carrure et la présence requises.
Malgré tous les défauts que je relève dans la forme, et quelques petites brèches/ellipses dans un scénario pourtant très solide (comme Gordon qui sait par magie comment conduire la Batmobile), je prends toujours mon pied par la façon dont on raconte comment Nolan bâtit le personnage de Bruce, en approfondissant ses ambiguïtés, en nuançant son sens de la justice par le biais d'un badguy qui ne tient peut-être pas toutes ses promesses au final (il faudra attendre le second opus pour en avoir un à la hauteur, et au passage le potentiel de l'Epouvantail est aussi gâché), mais offre un superbe contrepoint à Bruce Wayne, et déploie un background mythologique que l'on ne retrouve que dans la BD. Ainsi, au contact d'étranges ninjas qui partagent de nombreuses caractéristiques avec le Batman qu'on connaît, on apprend d'où lui vient toutes ses capacités, comme disparaître, combattre efficacement, faire face à ses propres peurs, et retourner celle des autres contre eux-mêmes. La suite qui insiste sur le développement de l'équipement et de la double vie de Bruce est aussi très sympa avec de petites touches d'humour bien senties, et ce sont surtout les dialogues, le montage, encore une fois, qui confèrent la force au script.
Pour terminer, je pense chaque épisode doit être compris dans la cohérence et la structure interne de la trilogie que Nolan a mis en place pour être apprécié à sa juste valeur. Ainsi Begins est le temps de bâtir Batman et de présenter les motivations de Bruce, DK, celui d'affronter son alter-ego et les monstres qu'il a produit, et le dernier, de faire écho à cette fameuse phrase de son père, tomber pour se relever. Conscient de la qualité du second opus, reste à savoir si je reverrai le dernier légèrement à la hausse, car il m'avait fortement déçu sur de nombreux points.
En résumé, une très bonne introduction à la trilogie qui va suivre, dont on retient surtout le casting masculin, et le script et les dialogues qui mettent l'emphase sur les origines de Bruce et de Batman, mais qui pêche par un casting féminin médiocre (Holmes était un peu censée incarner le pendant émotionnel du métrage, ce qui est plutôt raté, heureusement que l'épisode des parents de Bruce compensent cette carence), et des personnages secondaires (à part le majordome, presque tous existent par rapport à Bruce) et une réalisation globalement trop fonctionnels, qui limitent ainsi l'ambition visuelle et les enjeux narratifs du métrage, qui auront heureusement tout le temps pour continuer à se déployer.
Note : 8/10