Le Nouveau Monde de Terrence Malick (2006) - 9/10
The Tree of Life s’écoutait comme une prière, Le Nouveau Monde se lit comme un poème. Avec cette œuvre, Terrence Malick transcende les codes de son propre cinéma, vole au-dessus de tout préjugé, ne montre rien ou pas grand-chose avec son fil narratif aérien mais nous fait ressentir une palette d’émotions indescriptibles. Derrière une histoire d’amour qui grandit au-delà des barrières linguistiques, des frontières culturelles, des mirages spirituels, le réalisateur américain crée une œuvre d’une douceur bouleversante sur une Humanité, sur la naissance d’un continent entre pessimisme et espoir, qui se cherche une identité, traversant les tracas de sa conscience allant de la guerre à la paix, de la haine à l’amour, de la solitude à la croyance, de la vie à la mort. Le nouveau Monde est une œuvre humaniste jamais naïve et loin d’un ethnocentrisme new wave, mais d’une humilité qui force le respect, faisant de l’espèce humaine un élément commun et versatile de cet espace naturel qu’est la Terre.
Au XVIIème siècle, des anglais viennent accoster vers le continent américain et trouve alors un territoire presque vierge, foisonnant de faune et de flore, habité par des Indiens primitifs. Avec comme seule idée, construire une colonie. Puis une rencontre, un regard, un sourire, et c’est l’avènement d’un amour naissant entre deux êtres que tout oppose, entre un anglais, un officier vagabond (magnétique Colin Farrell) et la princesse virginale d’une tribu indienne (sublimissime Q'iorianka Kilcher). Au-delà des conflits, de ces civilisations qui se déchirent pour une Terre viable pour tous dans des combats sanguinaires, de ces rêves de paradis brisés par l’ambition et l’opportunisme de l’Homme préférant adopter la force plutôt que la tolérance, de cette misère qui aura raison de la sérénité de l’esprit des survivants, Malick signe un long métrage qui n’a qu’une seule et petite ambition : voir la beauté et la transformation du monde dans le regard d’une jeune femme qui va voir son cœur battre pour deux hommes différents, son innocence et son enfance s’effacer pour mieux s’affranchir, s’éparpiller pour mieux se reconstruire. Cette jeune femme, à l’âge indéterminé, mais d’une beauté divine et d’une sagesse miraculeuse est vue comme le symbole de l’Humanité.
Terrence Malick n’est pas qu’un simple conteur, c’est aussi un réalisateur, un maitre visuel hors pair qui magnifie chaque denrée naturelle qui s’offre aux yeux de sa caméra. Le Nouveau Monde est mis à nu par sa mise en scène exceptionnelle, sa musique transpersante, cette vision du monde par l’entrebâillement du cadre, ce montage volontairement libre presque omniscient, cette sensibilité dans l’agissement, ce mouvement omniprésent. Derrière une histoire aux ellipses temporelles pas toujours très bien découpées, Malick préfère la symbolique à l’intrigue, la nature aux dialogues avec ces multiples plans sur ces cours d’eau qui miroitent, ce vent qui siffle, cette brise pénétrante. Ici le récit avance par la démonstration du mouvement, du retranchement intérieur de ses âmes en peine, en proie aux doutes et aux remords, de ces voix off en perpétuel questionnement sur la nature de leur enracinement, des velléités de ses ames transcendantales, de ces hommes et femmes qui ne font qu’un avec l’environnement. Puis à de nombreux instants, le génie opère et l’émotion ne peut se contenir devant une œuvre magique, d’une pureté éclairante.