Bande de filles -- by Céline Sciamma --(2014)
Céline Sciamma, jeune réalisatrice française de 35 ans a su séduire les critiques et les spectateurs en l’espace de deux films : Naissance de pieuvres (prix Louis Delluc en 2007 et dans la catégorie Un Certain Regard) et Tomboy. Elle revient avec Bande de filles, où une nouvelle fois elle poursuit son exploration des troubles de la féminité.
Le film s’ouvre sur des notes pop et rock de Para One (la bande originale sera souvent electro-pop dans le style College & Electric Youth) et l’on découvre des jeunes filles en tenue de football américain toutes prêtes à aller en découdre sur le terrain, à se donner coup pour coup, à jouer en équipe pour marquer le touchdown de la victoire. Dans cette première scène réside l’essence même du film : être en équipe, en bande pour s’imposer, lutter contre les autres et remporter les duels sur le terrain. A l’issue du match, Céline Sciamma nous offre une scène qui caractérisera également les relations filles – garçons dans la cité. Le groupe de jeunes filles, jacassant à n’en rien comprendre devient muet lorsqu’il passe devant quelques garçons.
La réalisatrice va rapidement nous introduire dans le quotidien de Marieme, jeune fille sage et réservée s’occupant de ses deux sœurs tandis que sa mère travaille de nuit. Son grand frère a pris le rôle d’un père d’absent et s’obstine par la violence à les garder dans le droit chemin. Refusant d’accepter son échec scolaire, la jeune fille va s’épanouir et monter socialement auprès de trois autres jeunes filles fuyant l’école, Lady, Adiatou et Fily avec qui elle va désormais former la bande des quatre. Changement de look, de train de vie, de comportement, c’est une tout autre Marieme ou plutôt Vic, son nouveau prénom, que l’on découvre capable de s’opposer à n’importe qui, y compris les caïds du quartier.
Trop mise en avant par rapport aux autres filles, la réalisatrice propose un portrait de cette jeune fille, portrait qui sera d’ailleurs trop effleuré. Sa caméra ne la quitte jamais des yeux (le format Scope renforçant ce sentiment de proximité), elle se tient toujours au premier plan délaissant le reste du clan. C’est bien dommage car le mystère qui repose sur les trois autres filles bloque une véritable intrusion dans le monde de la cité vu par cette bande de filles. Céline Sciamma est trop souvent dans le constat et manque de profondeur et de clarté dans ses propos. S’ensuit alors une succession de scènes, des épisodes du quotidien de cette bande de filles. C’est pourquoi à chaque fondu noir signifiant le changement d’épisode de leur vie, le générique de fin peut apparaître sans aucun souci C’est bien là la preuve que le film manque de rythme et de fluidité.
Il n’en demeure pas moins que ces scènes en question sont une très belle réussite en terme de mise en scène. La photographie est très parfaite, les filtres de couleur (notamment le bleu) donnent lieu à des moments émouvants comme la reprise de Rihanna de Diamonds par les quatre jeunes filles dans une chambre d’hôtel. Des éléments positifs sont donc parsemés tout au long du long-métrage mais l’ensemble reste toutefois bancal. Enfin, on a une énième confirmation des talents de directrice d’actrices de Céline Sciamma. Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh et Marietou Touré sont parfaites. Elles jouent leurs rôles avec brio et dégagent une alchimie de groupe qui nous transporte dès les premières secondes. On pourra ressentir une certaine touche d’Abdellatif Kechiche dans Bande de filles, car malgré les défauts précédemment cités, le film reste une belle tranche de vie.
Un sentiment d’inachevé vient tempérer la magnifique réalisation de la française qui tenait malgré tout un sujet riche où les personnalités des jeunes filles pouvaient offrir une belle mise en perspective.
6,5/10