Je n'avais aucune idée dans quoi je m'embarquais avant de mettre le DVD dans le lecteur. Et quel plaisir de retrouver Jack Nicholson dans un grand rôle comme celui-ci, un vieux briscard retraité qui ne parvient pas à décrocher de son job de flic, sa meilleure prestation depuis peut-être quinze ans avec
Mr Schmidt, qui offre un autre visage de la vieillesse accroché de justesse à la vie (on devrait lui donner plus ce genre de rôle tellement ça lui va comme un gant). Sean Penn, de son côté, m'avait déjà conquis avec son très beau
Into the wild, et je pense que je continuerai à découvrir sa filmographie, car ce
The pledge (La promesse) m'a convaincu sur presque tous les plans, explorant cette fois-ci jusqu'où une allégeance peut nous conduire, avec une myriade de thèmes communs à Clint Eastwood, comme la vieillesse, le rapt d'enfant, ou la solitude, mais selon un traitement mélancolique, voire dépressif, propre à notre cher Sean Penn qui nous a pas vraiment gâté dans le sens inverse. Mais je ne vais pas le lui reprocher, d'autant plus lorsque c'est l'occasion de toucher à tant de choses.
L'une des grandes forces du film, hormis son casting et sa direction d'acteurs, c'est son atmosphère. Sean sait tenir une caméra, et nous fait profiter de son talent pour mettre en scène l'ambiance hivernale et crépusculaire de ces endroits reculés de l'Amérique perdus au milieu des montagnes enneigées. La réalisation est de grande tenue, et le cadre choisi est loin de faire juste joli, mais sert l'intrigue. Or, après un bref aparté qui nous plonge tout de suite au fond du trou et il faudra aller jusqu'au bout pour en comprendre la raison, on nous sert un polar de facture relativement classique mais bien bâti, où les apparences sont trompeuses. Cependant, je pose mon petit bémol par rapport à l'interprétation de Del Toro qui en fait un peu trop dans son rôle d'un handicapé mental. En outre, il y a quelques petits trous ou facilités dans le scénario qui font un peu tâche dans un scénario aussi bien construit, comme la fameuse promesse trop vite donnée à cette femme écrasée par le chagrin de la mort de son enfant (l'aspect religieux arrive comme un cheveu, mais avec du recul c'est un peu plus subtil que ça vu que son personnage est non-croyant), ce qui donne pas forcément le poids requis pour la décision qui s'ensuit de s'établir ailleurs (en vidant toutes ses économies), sur les lieux où il pense retrouver le tueur promis.
Mais on peut comprendre autrement ces petits trous. Car ce film a l'apparence d'un polar, mais ce revirement au premiers tiers du film nous offre un regard beaucoup plus existentiel, où se croise différents aspects qui m'ont parlé. Bref, Sean Penn prend des libertés avec la logique pure de l'enquête pour nous offrir quelque chose de beau et ténébreux à la fois, à savoir les hésitations d'un homme qui se cherche entre cette promesse qui le hante au plus profond et nous questionne sur sa sanité d'esprit (avec en filigrane cette obsession que Clint Eastwood n'aurait pas reniée, d'une enfance prise entre ses jeux et un univers parasité par la violence, comme dans un conte de Grimm ou d'Anderson), et ce désir de changer totalement d'existence, en retournant aux sources, qui préfigure par ailleurs ce
Into The Wild, à l'exception près que le voyage est celui d'un vieux monsieur, et s'arrête ainsi en un lieu précis avec une petite famille d'adoption d'ailleurs vraiment attachante.
En conclusion, malgré les petits soucis de cohérence de l'intrigue, au fond cela reflète aussi le portrait de cet homme se battant pour un principe d'honneur qu'il est peut-être le seul à défendre.
The Pledge est donc un film plus difficile à saisir qu'en apparence, empruntant plusieurs embranchements à la fois pour mieux nous surprendre (à la fois enquête, thriller psychologique, et métaphore sur le temps qui passe avec tout ce que cela implique pour un vieil homme solitaire), et nous laissant au final dans la bouche un terrible goût d'amertume, comme si poursuivre ses croyances jusqu'au bout ne pouvait avoir qu'un seul dénouement.