L'influence de la trilogie
Antoine Doinel de François Truffaut se fait encore plus présente dans cette suite directe de
Before Sunrise, à travers cette auto-analyse de cette fameuse rencontre amoureuse vécue neuf ans auparavant. Et heureusement (pour moi), c'est nettement plus enthousiasmant, à cause de raisons bien simples et personnelles, comme le duo de personnages que j'ai beaucoup plus de plaisir à retrouver tant ils me paraissent familiers (tandis qu'Antoine Doinel me semblait être un snobinard antipathique) et des dialogues (encore plus présents ici), d'une justesse rare (tandis que ceux de Truffaut sonnaient, à mes oreilles, faux, trop abstraits, à côté de la plaque). Mais j'avoue qu'il me faudra un deuxième visionnage pour digérer ce torrent de paroles qui semblent animées par l'urgence du temps qui passe, comme le désir de recréer un lien défait à contre-coeur, de retrouver quelque chose qui a été perdu durant toutes ces années, et peut-être, qui sait, ranimer une flamme encore persistante.
Si je devais choisir, j'ai quand même une très légère préférence pour
Before Sunrise pour sa spontanéité et son naturel plus affirmés, et aussi pour le charme de sa ballade sentimentale à travers Vienne, tandis qu'ici rien n'importe au-dehors du duo, avec d'autre part des dialogues qui m'ont semblé parfois un poil trop écrits et maîtrisés, coulant moins de source. Mais là où ce film me paraît d'une intelligence redoutable, c'est cette façon de montrer combien ils semblent avoir évolué dans leur existence, se sont ancrés dans la réalité (ils parlent d'abord de leurs expériences), se sont construits une façade rassurante de vie d'adultes, puis dans un second temps, combien ils demeurent tous deux hantés par cette fameuse nuit, créant ainsi une réelle remise en question, une mise au point impérative de leur chemin de vie, pour enfin se retrouver tels qu'ils étaient, comme si rien n'avait changé à part le vécu. Tout cela en temps réel. Contrairement au premier opus, exit donc la magie de cette nuit, et place au recul et au regard critique sur la perception des souvenirs vécus, la pérennité des sentiments à travers le temps, et aussi le sens de leur vie et de leurs relations amoureuses en général.
Mais ce film offre heureusement plus qu'un simple regard auto-critique (déjà brillant en soi) sur un souvenir vécu en commun, les espoirs et les déceptions de chacun, mais aborde aussi la manière dont l'ex-couple se retrouve, et c'est ce qui fait toute la beauté de ce second opus. Ainsi on décèle avec appréhension les petits signes précurseurs comme les regards complices ou des gestes suspendus en l'air qui se mettent en place, jusqu'à ce que surgisse enfin cette petite émotion finale qui manquait peut-être un peu durant cette longue marche verbeuse (mais jamais ennuyeuse, avec pléthore de sujets variés sans tomber dans le HS, du Kevin Smith dans l'esprit mais sans sa vulgarité), à travers cette chanson qui concentre l'essentiel et capte l'invisible en peu de mots. Il fallait bien ce temps, finalement court, pour qu'ils se retrouvent enfin, dans l'insouciance craquante de leurs débuts.
La préférence entre les deux opus sera sûrement, pour certains, un sujet de discussion, car c'est avant tout une affaire de projection de soi et d'identification. Les uns préfèreront la spontanéité et le romantisme de
Before sunrise, tandis que les autres préféreront le ton de
Before Sunset peut-être un peu plus adulte et ancré dans la réalité, et aussi davantage à fleur de peau pour cette fragilité qu'il exprime. En tous cas, un ensemble déjà fortement cohérent autour des effets du temps sur la relation et les souvenirs amoureux (et plus encore), tel une véritable adaptation cinématographique de la madeleine proustienne. Vivement le prochain.