[Velvet] Mes critiques en 2014

Modérateur: Dunandan

Daniel y Ana - 8/10

Messagepar Velvet » Ven 09 Mai 2014, 09:28

Daniel y Ana de Michel Franco (2010) - 8/10


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Avec Daniel et Ana, le réalisateur mexicain Michel Franco signe un premier long métrage déroutant sur les affres de la reconstruction psychologique et sociale d’un frère et d’une sœur suite au drame morbide qu’ils ont subi. Comme Gus Van Sant avec Paranoid Park, Michel Franco va porter un regard non moralisateur et presque touchant, parfois contemplatif sur les ressentis adolescents face à la culpabilité de leurs actes. Mais la comparaison avec le cinéaste américain s’arrête là. Michel Franco fait partie, avec Carlos Reygadas et Amat Escalante, de ce cinéma mexicain sec et sans complexe décrivant des personnages traumatiques dans une société touchée par une violence soudaine. Le début du film contextualise son récit en nous plongeant dans le quotidien d’une famille bourgeoise mexicaine, attirant son intention sur les deux enfants de la maison.

Ana est une jeune femme universitaire heureuse qui va bientôt fêter son mariage pendant que son frère Daniel est un simple adolescent sans histoires, profitant de sa petite amie avec ses désirs d’émancipation. Mais très rapidement, le film va basculer dans l’effroi le plus total lorsque des ravisseurs vont les kidnapper tous les deux pour une seule et malsaine raison : faire une vidéo pornographique les filmant en train de faire l’amour sous peine de se faire tuer en cas de refus. Et là survient le premier et gros choc du film où le réalisateur Michel Franco n’élude pas la scène, ne fait pas que la suggérer mais la filme et place le spectateur dans une situation délicate du voyeur impuissant face au côté sordide de la situation. Sous cet aspect un brin provocateur, Michel Franco a le talent de ne donner aucun artifice hypocrite ou complaisant à cette séquence qui se passe sous nos yeux, préférant nous faire ressentir toute la frayeur et le désarroi des protagonistes plutôt que d’en retirer un quelconque érotisme dégradant et sulfureux. Après l’acte, les deux jeunes victimes se rhabillent et sont ramenées chez elles. Le plus dur commence avec la réhabilitation sociale et psychologique où Daniel et Ana devront faire face à la torpeur de leur traumatisme.

A partir de là, Michel Franco va dérouler son scénario minimaliste et réaliste sur la dureté de cette réinsertion individuelle et collective, offrant un miroir sans concession sur la construction adolescente dans un monde adulte aveuglé par son intransigeance et qui ne fait aucun cadeau. Comme habituellement dans ce cinéma, il est difficile de ne pas y voir une influence du réalisateur autrichien Michael Haneke à travers ses plans fixes laissant le film faire naitre sa propre atmosphère souffrante, cette distanciation du regard cinématographique qui ne tombe jamais dans le misérabilisme pompeux, une capacité à dessiner une violence aride et brute de décoffrage. Comme dans son deuxième film, Despues de Lucia, on y aperçoit un choc des générations avec une incommunicabilité entre les parents et les enfants. Les parents voient bien que Daniel et Ana semblent contaminer par un mal être contagieux mais rien y fait, ils ne s’intéressent qu’à la surface du malaise, qu’aux problèmes matériels (mariage, voiture, situation professionnelle) de leurs progénitures sans y déceler une gravité plus profonde, accentuant la solitude de ses deux êtres malmenés dans un environnement froid et sans émotion.

Ana, cloitrée dans son lit, va très vite essayer de reprendre le dessus en voyant une psychologue tout en essayant de conserver une chance de pouvoir donner une deuxième chance à son possible mariage alors que son fiancée n’arrive pas comprendre son changement d’attitude. L’épicentre tragique de ce drame provient sans nul doute de Daniel, le plus jeune des deux, qui doit construire sa propre personnalité et va chuter dans un mutisme profond et une haine intérieure qui aura pour conséquence d’exploser dans une fin de long métrage assourdissante. Michel Franco filme cette déchéance sourde avec une ambiguïté perverse qui étoffe la densité de son récit. Daniel ne va plus au lycée, et préfère déambuler en pleine ville ou voir des films au cinéma.

Il se sent coupable mais de quoi ? Coupable d’avoir fait du mal à sa sœur en la « violant » et ne pas avoir pu la protéger ou se sent il coupable de ne pas pouvoir contrôler des pulsions sexuelles d’adolescents face à son rapport aux femmes en ayant pris du plaisir durant cet acte controversé? Seul dans sa chambre, il va chercher sur le net si la vidéo a été mise en ligne : par hantise ou par plaisir, on ne sait pas vraiment, sans doute un peu des deux. Avec Daniel et Ana, Michel Franco offre un film aussi dur que sensible qui ne tombe pas dans le spectaculaire graveleux mais qui ose regarder droit dans les yeux une quête existentielle se déroulant non sans obstacles.
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Holy Motors - 8/10

Messagepar Velvet » Ven 09 Mai 2014, 17:56

Holy Motors de Leos Carax (2012) - 8/10 (BOM CHALLENGE)


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De quoi parle Holy Motors ? Difficile de répondre du tac au tac à cette question tant la dernière œuvre de Leos Carax sort des sentiers battus cinématographiques contemporains avec un regard parfois pessimiste, amer (aigri ?) sur la place de l’humain dans un monde virtuel sans visages. Holy Motors est un film mortifère qui aux premiers abords nous gratifie de son chant du cygne sur disparité de la vie, de la fatalité promise d’une mort prochaine, de ce cinéma virtuel vénéneux prenant le pas sur la pureté des émotions, de ce métier d’acteur à la schizophrénie vertigineuse. Ou tout simplement, Holy Motors est un film sur la vie, un film vivant voyant notre existence comme un jeu de rôle continu explorant les différentes facettes de l’être humain passant d’une sensation à une autre, critiquant une société d’apparence invisible et indivisible.

Une même entité, pour différents visages, différentes personnalités, différentes obsessions. Chacun verra midi à sa porte comme le veut l'adage. Une chose est sure, c'est qu'il est difficile de ne pas être fasciné par cette imagination débordante. Difficile aussi et inapproprié de parler de cette œuvre sans rendre hommage à Denis Lavant, se donnant corps et âme pour une prestation qui ne tombe jamais dans la surenchère d’effets cabotins. Quoi de mieux que le cinéma pour éclairer le miroir de l’ambivalence humaine. Holy Motors n’a sans doute pas envie d’être expliqué, ce n’est pas un long métrage qui avance d’un point A vers un point B. C’est un long métrage qui se vie, se regarde, se ressent. Le film de Leos Carax touche souvent au sublime d’un point de vue visuel, c’est beau, très beau même, avec quelques petits miracles comme durant cette scène slow motion ou durant cette sérénade avec Kylie Minogue. La première séquence nous plonge face à une salle de cinéma pleine à craquer qui ne bronche pas, hypnotisée par ce qu’elle est entrain de visionner.

Soudain le plan change, un homme se lève (Leos Carax) de son lit, contemple la pièce dans laquelle il dormait tel un spectre qui se serait perdu dans un espace-temps, et à l’aide d’une protubérance qui se trouve sur son doigt, ouvre une porte lui permettant de rejoindre le balcon de cette même salle de cinéma. Que regarde-t-il ? Son film ? Les spectateurs ? Lui-même ? Holy Motors vient tout juste de commencer et le charme opère avec cette entrée en matière fantasmagorique apostrophant les fantômes de David Lynch ou David Cronenberg. Dès lors, les rouages scénaristiques de films à sketchs d’Holy Motors semblent se mettre en place. Déambulant à la vitesse de cette limousine blanche luxuriante conduite par Edith Scob (Les yeux sans visages), Holy Motors nous fait vivre la journée d’un homme incarnant neuf rôles. C’est son travail. On passe de personnages en personnages, de style cinématographique à un autre, de tonalité à une autre, du réel au surréalisme. On y voit deux acteurs qui font semblant de copuler, un homme crasseux et primitif en érection devant Eva Mendes, un homme qui tue son double, un père mourant, une sdf roumaine, un amant disparu, un activiste politique meurtrier, deux amants qui poussent la chansonnette, un mari mariée à une singe, des limousines qui parlent.

Une seule chose est identique : ce sentiment de perte, de mort. Un père qui voit l’innocence de sa fille face à la cruauté de sa génération, la perte d’un être cher, la perte de soi même dans un combat fratricide mortel, la perte du regard, la perte de la beauté de la pellicule. Mais Holy Motors est une œuvre paradoxale, qui semble ne pas exister également, remettant en cause la véracité des conséquences de nos propres agissements. Derrière cette perpétuelle originalité, cette envie de toujours de se renouveler, de faire que son film vive à chaque instant comme si c’était le dernier, Holy Motors semble parfois souffrir d’un manque de fougue évident, étouffé par un dispositif s’ankylosant dans une symbolique qui prend le pas sur l’immersion. Trop de créativité, tue la créativité peut-on dire. Mais c’est aussi dans ce sens-là que veut nous amener Holy Motors. Un peu à l’image de l’humain, Holy Motors est parfois beau et laid, sublime et ridicule, autocentré et généreux, doux et ténébreux, sombre et drôle, imparfait et génial à la fois. Et tout cela n’est qu’un rôle…
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar zack_ » Ven 09 Mai 2014, 21:07

J'vais tenté pour ce mois-ci de me faire cet OVNI
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar nicofromtheblock » Ven 09 Mai 2014, 23:00

Tiens, je me suis aussi pris Daniel y Ana après la très bonne surprise qu'avait été Despues de Lucia.
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Godzilla (2014) - 3/10

Messagepar Velvet » Jeu 15 Mai 2014, 09:59

Godzilla de Gareth Edwards (2014) - 3/10


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Avec Monsters, Gareth Edwards avait joliment dépoussiéré le film de monstres en nous abreuvant d’un film post apocalyptique à la lenteur contemplative tout en instaurant une sorte de terreur presque lancinante. Visuellement impersonnel ou souvent influencé par Spielberg, le réalisateur réitère cette volonté de jamais tomber dans le spectaculaire outrancier mais voit malheureusement son film être dans l’incapacité totale d’éveiller une fascination monstrueuse ou d’imprégner Godzilla d’une quelconque atmosphère lyrique. Le film reste à hauteur d’hommes, on voit tout à travers leurs yeux à chaque instant ou presque, ce qui dans un premier temps permet de mesurer parfaitement une échelle de grandeur et d’entretenir une puissance visuelle presque vertigineuse à l’apparition des monstres extrêmement bien dessinés (le Godzilla a un côté old school et moderne assez classe) mais qui au fil du temps dessert complétement le fil de l’œuvre dans sa construction dramaturgique dénuée de toute ambiance anxiogène ou terrorisante car l’ambiguïté sur les intentions de Godzilla sont vite éludées, le sauveur de tout un peuple, détenteur d’un soit disant « équilibre ».

On suit les péripéties d’un couple insignifiant (lui est un militaire bouffi par la créatine avec un regard de bovin aux traumas jamais mis en abime et elle est infirmière, parents d’un gentil petit garçon = post 11 septembre oblige), on peine réellement à s’intéresser à leur sort et que dire de l’indigence des scientifiques qui ne savent pas quoi dire ni quoi faire, en roue libre totale avec leurs gueules d’ahuris. Mise à part cette toute petite première partie se déroulant dans une centrale nucléaire où l’on regarde un mari scientifique (Brian Cranston) essayer de sauver sa femme des fumées radioactives ( Juliette Binoche) et qui par la suite va tenter de découvrir ce mystère dans cette zone post apocalyptique (avec une relation père/fils non sans intérêt), on reste à quai durant toute la longueur de ce spectacle jamais ludique, presque désolé de ne jamais s’intéresser à ce que l’on voit d’un point de vue visuel et narratif. Notamment à cause de son scénario aux abonnés absents, d’un manque flagrant d’incarnation dans l’utilisation de ses personnages automatiques, dans l’absence dommageable de toute symbolique aux monstres (exceptée peut être cette allégorie sur la destruction nucléaire de ces monstres qui se nourrissent ou cette tentative foireuse d’humaniser ces grosses bestioles), de ce montage filmique fait de répétitions vaguement mystérieuses, d’ellipses inadaptées ou frustrantes.

Gareth Edwards aime beaucoup filmer les télévisions, c’est un fait indéniable car le réalisateur joue beaucoup sur la frustration, avec cette répétition de montée en puissance palpable dans la valorisation de la grandeur des monstres et au moment où l’on croit que le film va décoller, prendre une autre ampleur presque apocalyptique et dévastatrice, le film s’oblige à revenir à l’échelle humaine comme lors du premier combat avorté de Godzilla avec le Muto où l’on se retrouve éjecté dans la maison de la famille en voyant l’affrontement dans un écran de télévision et celui à San Francisco où les portes se ferment devant nos yeux un poil dégoûtés de se retrouver au côté de ses humains indigents. Et force de nous aguicher, de jouer sur plusieurs fronts, Gareth Edwards nous perd et n’arrive même plus à nous prendre par la main pour suivre avec attention un final qui en devient terriblement anodin malgré quelques plans larges à la classe picturale et d'une mise à mort finale bestiale.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Mark Chopper » Jeu 15 Mai 2014, 10:17

Un kaiju à échelle humaine, c'est un très mauvais choix. Ce n'est pas ce que j'attends. Ce serait comme faire de King Kong un figurant dans un film qui porte son nom.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Velvet » Jeu 15 Mai 2014, 10:26

Bah c'est ça, Godzilla, est limite un personnage secondaire, sauf à la fin, surtout qu'on nous inflige des personnages humains navrants. Le réal' n'a ni intention ni propos...
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar zack_ » Jeu 15 Mai 2014, 10:31

Entièrement d'accord avec ta critique, et surtout sur la frustration de voir à chaque fois une scène décoller et retomber aussi sec.

Ce serait comme faire de King Kong un figurant dans un film qui porte son nom.

Tu as tout pigé!
zack_
 

Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Velvet » Jeu 15 Mai 2014, 12:41

zack_ a écrit:La frustration de voir à chaque fois une scène décoller et retomber aussi sec.


Non mais la scène du combat à San Francisco où les portes se ferment devant nous. Facepalm. :love:
Après juste pour compléter ma critique, ce qui me dérange, c'est le parti pris du film qui n'est pas tenu. Faire un film visuellement qui reste à hauteur d'hommes pourquoi pas. Mais derrière le script doit suivre, ce qui n'est pas le cas. Dans ce Godzilla, à part une symbolique de sauveur divin, qui s'apparente plus à un toutou qui sort de sa niche pour aider ses maîtres, le film ne parle de rien. Un film catastrophe "bâtard" au final. Même Pacific Rim présentait des thématiques (en surface) beaucoup plus intéressantes.
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Canine - 8/10

Messagepar Velvet » Ven 16 Mai 2014, 17:03

Canine de Yorgos Lanthimos (2009) - 8/10 (BOM Challenge)


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Pour pouvoir quitter le foyer familial, il faut perdre sa canine droite ou gauche. Pour commencer la conduite automobile, il faut sentir sa canine repousser. C’est seulement à partir de ce moment-là que l’adulte est capable de faire face à la dureté et à la dangerosité du monde extérieur selon les dires de ce père de famille machiavélique n’ayant qu’un seul but, offrir une vie paisible et conditionner ses enfants à la perfection. Pourquoi ? Pour les protéger, les ostraciser ou les garder auprès de lui durant toute sa vie ? Ni dans le déni, ni dans le jugement, Canine n’est pas tout de suite compréhensible, les scènes s’emboitent une à une dans une bizarrerie glaçante avec une imagerie qui se confond entre conte enchanté et réalisme toxique. Le microcosme imaginaire que s’est construit cette famille verra son innocence et sa pureté tortionnaire se fissurer par l’intrusion de l’inconnu et de sensations personnalisées (le sexe, la douleur) car la perfection n’existe pas.

L’une des forces du long métrage intervient à travers sa direction d’acteurs formidable de morbidité et à travers sa plasticité rigide, distante accentuant la puissance déroutante de ce long métrage où s’acheminent une ambiance froide, des couleurs sans âmes, des comportements robotiques et presque déshumanisés dans ce grand espace familial aisé. Canine, c’est un peu comme si Michael Haneke revisitait à sa manière Le Village de M. Night Shyamalan. Trois adolescents qui sont proche d’être adultes (un fils et deux filles) vivent reclus chez eux sans avoir aucun lien avec le monde réel. La mère, idem, reste toute la journée avec eux pour les observer et compartimenter leurs agissements. Seul le père quitte leur chez soi pour aller travailler. Canine, film du réalisateur grec Yorgos Lanthimos, est une œuvre dérangeante qui voit un père de famille instrumentaliser ses enfants et les éduquer entre morale absurde et peur de l’inconnu dans un ensemble de règlements comportementaux malsains et asphyxiants.

L’atmosphère est nauséeuse, les trois adolescents de la famille apprennent du vocabulaire infantilisant grâce à un magnétophone, se mesurent toute la journée les uns autres aux autres avec des jeux sordides (eau bouillante, chloroforme, couteau), s’exercent physiquement et psychologiquement pour gagner des étiquettes, les mots prennent une tournure différente et des valeurs autres (un zombie est une fleur jaune), on apprend à aboyer car le chat est le pire ennemi de l’Homme. Le père en voulant cadrer les pulsions sexuelles de son fils paye une femme (Christina) pour coucher avec ce dernier sans qu’il ne comprenne la consonance de ses actes. Mais Christina symbolisera l’inconnu qui commencera à gangrener l’esprit volatile de ces prudes adolescents. Au début, tout est beau, tout est mignon, tout le monde est gentil avec son prochain dans une politesse frigide où une demande doit voir en retour un cadeau équivalent. Les sourires défigurent les visages, on y voit une sorte de famille parfaite où les enfants obéissent aveuglement à leurs parents. Puis l’absurde deviendra glauque où la robotisation fera place à l’humanisation.

L’humain, machinalement, va retrouver ses droits au travers des libertés imparfaites qui caractérisent l’Homme, où chacun entrevoit sa propre vision du bien et du mal. Notre conditionnement ne peut échapper à notre conscience et aux effluves de nos sens. Qu’est ce qui nous façonne ? Notre environnement comportemental ou est-ce nos expérimentations sensoriels ? La jalousie s’instaurera entre le frère et la sœur, les mensonges décloisonneront leur psyché quand Christina demandera des avances sexuelles à l’une des sœurs en échange d’un cadeau pour que cette dernière fasse de même avec sa propre sœur. La violence deviendra un moyen de désintégration d’un enfermement devenu étouffant où la douleur sera synonyme d’émancipation dans une conclusion à la finalité ouverte laissant place à une symbolique fascinante.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Kissifrott » Ven 16 Mai 2014, 17:40

Wow, ça m'intéresse là. J'ai peur que le film me déplaise au plus haut point, mais je suis en même temps tellement intrigué que ça a l'air de valoir le coup de prendre le risque.

Merci pour cette belle critique ;)
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Velvet » Ven 16 Mai 2014, 21:06

Merci. :wink:
C'est clair que c'est le genre de films qu'on peut rejeter en bloc.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar nicofromtheblock » Ven 16 Mai 2014, 22:31

Tu m'as devancé, ma critique est en cours d'écriture. Je lui ai mis 7,5/10 pour ma part.
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Homesman (The) - 6/10

Messagepar Velvet » Dim 18 Mai 2014, 18:53

The Homesman de Tommy Lee Jones (2014) - 6/10


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The Homesman, malgré son classicisme qui rend hommage au cinéma de genre avec ses lieux communs situationnels durant ce voyage initiatique sans issue, est une sorte d’anti-western crépusculaire au rendu finalement assez plat virant presque à l’indifférence polie, notamment par le biais des prestations beaucoup trop policées de ses deux acteurs principaux. On contemple les décors désertiques au rythme lent (parfois assommant) de cette diligence porteuse de mésaventures alors que dans le même temps, il est presque impossible de ne pas penser au western des frères Coen True Grit dans cette volonté qu’à le long métrage d’agrémenter son récit d’une certaine absurdité ironique se révélant un brin comique. D’ailleurs la référence se matérialisera en la personne de Hailee Steinfeld jouant une petite servante d’une maison aisée. Peu de coups feu qui embrasent l’horizon aride, peu de cavalcade épique et rocambolesque, peu de personnages héroïques qui enflamment l’auditoire.

Le film de Tommy Lee Jones se veut intime, dans une épure constante intériorisant systématiquement les émotions de ses protagonistes, et le tout souligné par un sens du cadre notable et un travail de composition admirable. Les projecteurs se positionnent sur deux anti héros par excellence qui se croisent par un simple concours de circonstance dans une bourgade aride et presque miséreuse: un vieux bougre vagabond, opportuniste prêt à tout pour quelques billets est sauvé d’une pendaison latente par une femme solitaire, « rude comme un pot et autoritaire ». Après avoir donné sa parole, il va l’accompagner pour transporter jusqu’à l’Iowa trois femmes prises de folie, sans doute traumatisées par leur infortune quotidienne dans un environnement masculin destructeur où le rapport homme/femme est sans échappatoire. The Homesman déploie une certaine liberté dans l’entreprise de son sujet, mettant au cœur de son œuvre l’existence des femmes, notamment à travers ce personnage Mary Bee Cudy, qui semble s’obliger à faire ce voyage à cause de sa bonté et de sa droiture mais aussi pour essayer de fuir l’indifférence rigide qu’elle émet aux yeux des hommes.

La première partie qui consiste à montrer Mary Bee Cudy venant chercher les trois femmes pour les installer dans la diligence est le moment le plus fort du film démontrant un nihilisme âpre jamais clinquant fait de flashback qui nous en apprend un peu plus sur la détresse psychologique de ces femmes aux bords du gouffre à l’aide de scènes habitées (le plan fixe de mutilation). The Homesman est un portrait de femmes assez triste, presque désabusé mais trop distant et détaché à l’image de ce personnage de George Briggs, pour réellement faire surgir une quelconque empathie même durant un rebondissement brutal qui arrive aux deux tiers du film. A ce moment-là, le point de vue change de camp, et c’est alors le regard de l’homme qui observe la fatalité de la condition féministe à cette époque projetant The Homesman dans une tragédie un peu factice. Dommage car il y avait matière à faire mais Tommy Lee Jones n’arrive jamais à rendre passionnant et envoûtant un film désespéré mais académique.
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Re: [Velvet] Mes critiques en 2014

Messagepar Jimmy Two Times » Dim 18 Mai 2014, 20:19

Juste pour situer un peu ton ressenti, tu pensais quoi de 3 enterrements?
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