Après un petit clin d'oeil au film noir qui l'a fait connaître, Billy Wilder nous livre une comédie romantique atypique, pétillante, et ironique, à travers deux hommes qui se déguisent en femmes pour fuir un gang en pleine période de la prohibition, pour avoir été témoins d'une scène d'exécution, et se retrouvent ainsi en plein milieu d'un groupe de femmes musiciennes plus charmantes les unes que les autres. L'alchimie du travestissement des personnages interprétés par Tony Curtis et Jack Lemmon fonctionne à merveille, en dépit d'un phrasé assez théâtral auquel on s'habitue assez rapidement (ce côté hystérique mis en avant va sûrement diviser les rangs). Mon intérêt a réellement décollé à l'apparition de Marilyn Monroe, extraordinaire en femme coquine alcolique, d'un charme confondant, à tomber durant les fameux morceaux musicaux, mais pas seulement. L'icône incarnée du fantasme mâle.
Et ce n'est pas tout. Film d'une grande intelligence progressant à un rythme tambour-battant, on nous offre à travers des situations riches en ruptures de ton (le cercueil et le funérarium qui servent de cache d'armes et de pub caché ; le petit faux rencard se déroulant dans le train qui se transforme en fête improvisée de femmes tombées en plein délire, et ça continue encore et encore) et ses dialogues mordants, un portrait d'une rare pertinence sur le jeu des apparences et des préjugés, derrière lequel se meuvent les relations amoureuses, qui sont donc loin d'être tout à fait innocentes. A travers le déguisement et le mensonge que cela implique, on effleure ainsi subtilement les petits désagréments de la condition féminine (les talons-hauts, l'oppression de la morale bien-pensante incarnée par cette gardienne pète-sec), les clivages sociaux, les stéréotypes homme / femme, le petit coeur blessé (incarné par Marilyn) pouvant résulter de tous ces petits manèges et qui se cache derrière cette frivolité apparente, et la cruauté et le calcul (incarnés par les deux infiltrés), tout en contenance, dont certains peuvent faire preuve pour arriver à leurs fins.
Loin d'être aussi bonne enfant qu'elle le prétend, cette intrigue tisse donc constamment des liens symboliques entre relations sentimentales et crime, compensés par une forme comique acquise à travers la tonalité très jazz et enjouée dans l'esprit (auquel répond à un moment donné, en harmonie, la machinerie de la locomotive), et la réaction des deux transfuges qui se retrouvent tantôt excités par tant de présence féminine, tantôt préparant de manière semi-improvisée des plans pour réussir avec leurs conquêtes respectives (durant la séquence avec le bateau, on atteint un pic sublime et jubilatoire dans les intentions du film). Et que dire de ce final, qui nous écrase d'une blague cinglante et pénétrante, et d'une modernité épatante. Troisième film de Billy Wilder que je découvre après
Ariane (autre jolie comédie romantique qui trouve un bel équilibre avec le portrait de moeurs qu'elle peint), et
Assurance sur la mort (film noir emblématique et avant-gardiste), ce réalisateur me confirme tout le bien que j'avais de lui jusqu'à présent, doté d'un humour féroce mais pas si méchant, et d'une intelligence aigüe dans la compréhension des rapports humains. Un classique qui mérite sa réputation.