Steven Spielberg est clairement l'un des meilleurs touche à tout d'Hollywood tout en imprimant sa patte et sa vision personnelle. Il le prouve avec ce
Blockbuster qui remplit à la fois son contrat en livrant des séquences extrêmement spectaculaires et efficaces en termes sensoriels (l'apparition des
Tripod fait partie de ces séquences qui marquent l'esprit), tout en livrant une dimension humaine et intimiste en suivant ce père de famille qui perd le contrôle sur son environnement - ses proches et la menace ET - (un thème récurrent de ce réalisateur). En outre, Tom Cruise fait partie de ces acteurs qui ont réussi à bien gérer l'évolution de leur carrière, avec ce rôle à contre-courant et nuancé de lâche résistant, mais qui se révèle aussi comme père, certes maladroit, mais protecteur et aimant. J'avais un peu de mal au début avec son personnage (ce sourire colgaté ...), mais ça passe mieux ensuite (comme s'il quittait symboliquement sa partition habituelle de super-héros à qui on ne la fait pas, pour endosser la peau de ce personnage lambda dépassé par l'évènement). Par contre, les séquences avec les enfants fonctionnent moins bien en sur-lignant trop ce sentiment de perte de contrôle (autant la claustrophobie et la larme facile de la fille, ça passe encore, mais le fils qui passe du mec responsable au mec impulsif qui en fait qu'à sa tête, c'est
facepalm).
Durant 1h50, difficile de s'ennuyer. Les séquences apocalyptiques s'enchaînent sans se ressembler, avec évidemment une lecture symbolique de la Shoah bien amenée (les vêtements qui volent au vent, les corps dans la rivière, la poussière sur Cruise ...). Ensuite, tout le passage dans la cave avec Tim Robbins est loin d'être inutile, et représente le dilemme et l'ambiguïté de Cruise qui ferait tout pour protéger les siens au péril de la vie des autres. En plus l'atmosphère créée ici est superbe, suggérant que l'impression de fin du monde se poursuit entre les humains (avec une issue tout en hors-champ, qui montre que Spielberg n'hésite pas à approfondir les zones noires de ses personnages sans forcément en rajouter dans les effets). Par contre, deux trucs m'ont un peu saoulé. D'une part, le suspens retombe lorsque les ET se baladent dans le sous-sol (leur apparence maladroite me semble contradictoire avec la présentation faite au début d'envahisseurs froids et implacables. Ils ont l'air presque mignons). Et d'autre part je n'ai rien contre les fins optimistes quand elles ont du sens. Pas de soucis avec la mort programmée des envahisseurs, tant dès le début on nous montre subtilement la façon dont la vie avait déjà implanté ses droits, plaçant ainsi les humains dans un système cohérent qui le dépasse, et justifie doublement l'impuissance de ces derniers à prendre contrôle sur la planète - avant et durant la menace -. Mais ce
Deus Ex Machina avec le retour du fils, tout comme tout le reste de la famille qui a miraculeusement survécu, fait trop dans le Happy-End forcé (d'accord Cruise a vécu l'enfer et il est enfin devenu un père responsable, mais c'est trop gros, on y croit pas).
Bref, plein de petits défauts qui m'empêchent de considérer ce film de science-fiction comme un chef-d'oeuvre (je préfère les deux autres essais que Spielberg a livré,
AI et
Minory Report, qui d'ailleurs proposent des thématiques bien plus riches avec un dénouement qui est tout sauf rose malgré les apparences). Mais il n'en reste pas moins un film à grand spectacle impressionnant et bien réalisé dont l'intérêt repose surtout sur son atmosphère oppressante de fin du monde (un suspens quasi permanent), sans oublier l'humain en route - un humanisme d'ailleurs nuancé par ce dilemme résistance/famille - et livrant un respectueux hommage au travail de H. G. Wells, tout en possédant une réelle patte dans le fond et la forme.