J'avais 15 ans à l'époque, et comme tous les dimanches, je m'installais confortablement dans le canapé afin de regarder le GP.
C'était un week end particulier. Pour la première fois depuis que je regardais la F1 (environ 4-5 ans), un pilote avait trouvé la mort pendant les qualifs. Il y avait également eu ce terrible accident de Barrichello le vendredi. L'atmosphère sur la grille était étrange, pesante. Les commentateurs revenaient sur l'accident mortel de Roland Ratzenburger pendant que la grille se préparait pour le départ du GP. Senna n'était pas casqué dans son baquet, chose plutôt rare pour être soulignée. Comme d'habitude, il était en pôle position, juste à côté de son nouvel ennemi intime, Schumacher. Ce dernier avait remporté les deux premiers GP alors que Senna n'avait toujours pas marqué un seul point. Le pilote Brésilien avait des doutes sur la Benetton du pilote Allemand et avait demandé à son équipe, Williams, de porter réclamation. Elle ne le fît jamais.
Les pilotes sont prêt, la grille se vide, et ils décollent pour le tour de chauffe. La tension est palpable, bien plus qu'à l'accoutumée. Senna mène la danse sur un rythme "lent", chauffant ses pneus. Les pilotes reviennent sur la ligne de départ et s'installent sur leurs places respectives. Le commissaire en fond de grille traverse la piste, agitant le drapeau vert signifiant que toutes les voitures sont bien positionnées et prêtent pour le départ. Les 5 feux rouges s'allument, les moteurs hurlent, puis, les 5 feux verts donnent le signal du départ.
Les voitures s'élancent, sauf une. JJ Letho a calé. Les voitures juste derrière passe au ras du pilote Benetton, l'évite de justesse. Pedro Lamy, qualifié en fond de grille et gêné par les pilotes devant lui ne peut éviter JJ Letho et encastre sa Lotus Mugen dans la Benetton. Le choc est violent. Des débris volent dans tous les sens. Pire encore, des pneus s'envolent dans la tribune, blessant plusieurs spectateurs. La direction de course envoie la Safety Car en piste.
Les voitures ralentissent et suivent à vitesse réduite cette petite voiture noire bien trop lente (Berger et Senna s'en étaient plaint lors du briefing des pilotes). TF1 (ou Eurosport, je ne me souviens plus) décide alors d'envoyer la pub. Après cette pause interminable, le premier commentaire entendu vient de Jean-Louis Moncet qui dit à peu de choses près "Un week end jusqu'au bout de l'horreur".
Les images d'hélicoptère nous montre l'épave de la Williams avec à son bord le célèbre pilote au casque jaune reconnaissable entre mille. Puis, un replay apparaît à l'écran montrant la Williams foncer directement vers le mur de la terrible courbe rapide du Tamburello. Le choc est violent, le mur est repoussé de quelques mètres, la voiture rebondit et est repoussé quelques mètres plus loin. Les commissaires de piste agitent les drapeaux jaune de suite, mais étrangement, ne s'approche pas de l'épave du pilote Brésilien. La vue d'hélicoptère nous montre un léger mouvement de tête. Rassurant ? Sur le moment, oui. Mais il est certain que Senna est blessé et qu'il a besoin d'assistance.
Retour à ce terrible direct. Senna a été extrait de sa voiture, allongé à même le sol et entouré de plusieurs médecins. Un hélicoptère se pose sur la piste. Soudain, le ridicule se mélange à l'horreur, la Larousse de Comas fonce sur les lieux de l'accident. Son équipe l'avait laissé repartir sans que l'on comprenne vraiment pourquoi. Le pilote sera exclut de la course. Après plusieurs minutes interminables, Senna est transporté vers l'hélicoptère qui décolle pour rejoindre l'hôpital de Bologne.
La direction de course ne met pas un terme à cette course. 37 minutes après le terrible accident du triple champion du monde, un second départ est donné. Schumacher prend rapidement la tête. Plus personne ne pense au résultat de la course, mais seulement à Senna. Quelques nouvelles viennent de ci et de là. PIerre Van Vliet (qui officiait dans les stands à cette époque) rapporte à un moment donné que Senna irait bien et qu'il n'aurai qu'un bras cassé ou une jambe, je ne sais plus (commentaire que regrette encore à ce jour PVV tant il n'avait pas pris le temps de vérifier un minimum son info). A 10 tours de l'arrivée, Alboreto perd une roue dans les stands, blessant deux mécaniciens de Ferrari et deux chez Lotus. Au bout du 58e tour, le drapeau à damier est enfin brandit, mettant fin à ce funeste week end. Le podium est étrange, mêlant sourire et incompréhension. Pas de champagne.
La retransmission est terminée, on ne sait pas ce qu'il se passe. Pas d'internet, aucune source d'info officielle ...... Puis Stade 2 commence et le couperet tombe "Ayrton Senna est mort". Le choc est violent, dur à croire. Senna, l'un des plus grands pilotes, ce magicien que je croyais immortel venait de quitter définitivement ce monde. Deux semaines après, lors du GP de Monaco, je me suis réellement rendu compte que plus jamais je ne verrai Magic Senna dans les stands, que je verrai ce fameux casque jaune derrière un volant. La première ligne de la grille de départ fût laisser vide. La pôle offerte à Senna, une place qu'il aurait certainement remporté. La seconde offerte à Roland Ratzenburger, l'oublié de ce funeste week end.
A la suite de ces deux accidents, et également suite à celui de Wendlinger à Monaco, la FIA prendra des mesures radicales pour ralentir les F1. Des chicanes dans tous les sens, dont certaines complètement ridicules. Réduction des cylindrées, augmentation du poids des voitures, réduction de l'effet de sol ......
La saison 94 fut une farce ! Entre les accidents mortels de Ratzenburger et Senna, ceux, heureusement non fatals de Wendlinger à Monaco, d'Alesi en essai privé ..... les suspicions de triche de l'équipe Benetton niveau électronique (celle de Schumacher ne patinait jamais selon Senna), l'incendie douteux de la Benetton (encore eux !) de Jos Verstappen en Allemagne, l'accrochage Hill / Schumacher à Adélaïde alors que le pilote Allemand vient de percuter le mur ..... Sans compter les déclassements sans raisons claires et précises ......
La saison 94 restera une saison noire, ridicule, où le sport automobile à réuni tous ces défauts sportifs et humains.
Une joli peinture représentant ce que tous les fans de F1 aurait aimé voir en ce 1er mai 1994 .... Un Senna sortant seul de sa Williams disloquée .....