Un bon western classique autour de la famille et la dislocation de ses liens, servi par un beau
scope qui met superbement en valeur les environnements, notamment le ranch et le domaine familial. La narration est carrée et efficace, avec en bonus un
flashback qui nous prend par surprise, et nous conduit aux origines du "mal" suite à la sortie de prison de l'un des fils accueillis par ses frères étrangement menaçants, et à la référence mystérieuse du titre qui met en fait en valeur les convictions de ce patriarche disparu et marié à une belle indienne. Attaché à sa terre et d'un tempérament de feu, il règne sans partage, quasi porte-parole de ce peuple qui s'est au contraire calmé et rangé.
Donc oui, c'est un film pro-indien, mais traité avec subtilité et sans fanfares, puisque cette mère représente surtout l'amour pour ses fils adoptifs et son enfant métis, ainsi que le pendant tempéré de son mari. Alors que les siens sont également en retrait, protégeant comme une ombre bienveillante cette famille et surtout ce père qui les a intégrés dans son territoire. Enfin, ce n'est pas trop mis en avant qu'il soit métis ce fils, et cela ne va ressortir que plus tard lors de la confrontation finale avec l'autorité (et les préjugés) qui va mettre un coup fatal sur l'harmonie fragile qui régnait dans cette famille.
Petit bémol, les personnages sont traités de manière assez inégale, mais bon, les acteurs les incarnant compensent par leur présence à l'écran. En outre, parmi les frères dissidents, quelques scènes suffisent pour les présenter, et Richard Widmark qui a ici un petit rôle, s'impose lentement mais sûrement comme l'alter-ego opposé de son père, et insuffle le charisme nécessaire pour être de taille pour mener la rébellion contre lui avec ses deux cadets. Par contre Robert Wagner est un peu léger (sans être mauvais) pour incarner ce semi-indien, et il est plus convaincant lorsqu'il joue au charmeur distingué que lorsque la colère monte face à ses frères qui vont commettre l'irréparable (ce passage est bien amené, car n'est pas manichéen du tout, avec un portrait familial nuancé, entre le père irascible mais bienveillant, le fils préféré, etc.). Heureusement que ceux qui lui donnent la réplique rehaussent le niveau.
L'histoire s'étoffe de plus en plus portée par un rythme tranquille et agréable, mais aussi parcouru de tensions relationnelles, avec un petit interlude presque fantastique par rapport au portrait paternel (et la présence de ce loup, deux symboles suffisants pour figurer tout ce qu'il représente), qui implique une belle réflexion sur la croisée des destins. Et justement j'ai beaucoup aimé la façon dont plusieurs chemins se dessinent devant le métis, entre celui de son père et de sa volonté de fer, fidèle à lui-même (avec un passage au tribunal percutant qui montre combien la liberté déchaînée de ce type d'homme ne peut rien contre le système de la loi, même si le droit naturel est avec lui, c'est ça qui fait la beauté de la chose), celui de ses frères qui lui proposent un deal en or mais corrompu, ou bien une voie plus personnelle mais qui offre un petit goût amer en donnant le sentiment qu'il fuit le danger.
Bref, une valeur sûre du genre portée par un casting et une réalisation aux petits oignons, et une histoire peut-être de facteur classique, mais fortement riche et nuancée sur les enjeux familiaux du ranch écartelés entre pragmatisme et passion, la loi naturelle du plus fort et la loi moderne du compromis. Un fond qui m'a rappelé le fameux
L'homme de la plaine d'Anthony Mann, en insistant ici encore plus sur le parallèle entre le déclin de la famille, et celui d'une époque et de tout un état d'esprit.