Meurtre à Yoshiwara, Tomu Uchida (1960)
Tomu Uchida propose dans ce film une histoire plus simple que dans Le Mont Fuji et la lance ensanglantée, quittant le style choral pour opposer deux personnages marqués par la malchance. L'un est un riche tisserand, doté d'une tache sur son visage, source de dégoût des femmes et d'insultes, mais au coeur bon et altruiste. L'autre est une prostituée par défaut, mais ambitieuse et arriviste, et se servira de tous les moyens pour arriver à ses fins et s'affranchir de ses modestes origines. Elle utilisera ainsi la naïveté de son protecteur défiguré en lui reflétant sa beauté par son regard, tandis qu'elle se débarrassera de l'ancien qui désormais la retient dans sa progression. Une dualité qui, certes, manque un peu d'ambition psychologique par rapport au film pré-cité, mais compense par une sublime réalisation qui s'évertue à valoriser ce milieu des geishas fait d'apparences, de paillettes, et de musique traditionnelle qui font tomber tous les clients sous le joug de leur charme, tandis que se tapissent (plus ou moins) dans l'ombre, l'avidité cruelle de ses propriétaires, l'adversité entre filles, et des règles strictes qui ne font que relancer l'ambition de cette farouche nouvelle venue. En outre, le rythme de ce drame social d'époque est très bien géré, et porté par une très bonne direction d'acteurs. Enfin, le climax final apporte une nouvelle signification fort intéressante autour du port du sabre (reflétant à la fois la destinée, l'amour des parents, mais aussi le moyen de se faire honneur face aux détracteurs).
Bref, un sujet assez classique sur le rapport de l'individu à sa destinée et à l'appât du gain, mais transcendé par une réalisation qui retranscrit superbement le cadre des quartiers des plaisirs de Yoshiwara, à la fois fascinant, envoutant et dur, et ses deux portraits finement dépeints (en dépit d'un contraste entre eux un poil trop appuyé à mon goût). Nul doute que Hideo Gosha trouvera ici l'une de ses inspirations pour sa saga des Geishas, tant dans la forme que dans le fond, où les femmes sont réduites également à leur seule valeur marchande, avec une frontière entre opportunisme et respect d'une tradition ancestrale plus que mince. Cette problématique de la femme prisonnière de son origine sociale et évoluant dans un cadre impitoyable a aussi été traité dans Quand une femme monte l'escalier, sorti la même année que le film d'Uchida mais portant sur le contexte contemporain d'après-guerre : une autre belle réussite dans le genre que je conseille vivement aux amateurs.
Meurtre à Yoshiwara est donc idéal pour ceux qui penseraient que le drame social japonais se limite à Ozu ou Mizoguchi, alors qu'un tel film peut très bien, comme ici, parler de problèmes de société, sans forcément être long et chiant. Presque tous les écueils auxquels on pourrait s'attendre sont absents (rythme lancinant, misérabilisme, interprétation ampoulée), et il manque seulement une pointe de subtilité dans le traitement de l'arrivisme qui met à mal le comportement de bon samaritain du marchand, pour que ce film puisse accéder selon moi à un statut un peu plus élevé dans le genre.
Bref, un sujet assez classique sur le rapport de l'individu à sa destinée et à l'appât du gain, mais transcendé par une réalisation qui retranscrit superbement le cadre des quartiers des plaisirs de Yoshiwara, à la fois fascinant, envoutant et dur, et ses deux portraits finement dépeints (en dépit d'un contraste entre eux un poil trop appuyé à mon goût). Nul doute que Hideo Gosha trouvera ici l'une de ses inspirations pour sa saga des Geishas, tant dans la forme que dans le fond, où les femmes sont réduites également à leur seule valeur marchande, avec une frontière entre opportunisme et respect d'une tradition ancestrale plus que mince. Cette problématique de la femme prisonnière de son origine sociale et évoluant dans un cadre impitoyable a aussi été traité dans Quand une femme monte l'escalier, sorti la même année que le film d'Uchida mais portant sur le contexte contemporain d'après-guerre : une autre belle réussite dans le genre que je conseille vivement aux amateurs.
Meurtre à Yoshiwara est donc idéal pour ceux qui penseraient que le drame social japonais se limite à Ozu ou Mizoguchi, alors qu'un tel film peut très bien, comme ici, parler de problèmes de société, sans forcément être long et chiant. Presque tous les écueils auxquels on pourrait s'attendre sont absents (rythme lancinant, misérabilisme, interprétation ampoulée), et il manque seulement une pointe de subtilité dans le traitement de l'arrivisme qui met à mal le comportement de bon samaritain du marchand, pour que ce film puisse accéder selon moi à un statut un peu plus élevé dans le genre.
Note : 7.5/10