LE TRANSPERCENEIGE
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Bong Joon-Ho (2013) | 4/10
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Je l'ai attendu ce film. Grand fan de Bong Joon-Ho, et intégriste pur et dur de la VO j'ai du me résigner à en attendre la sortie BR pour le voir dans les meilleures conditions. Et même si j'étais plein de doutes au moment de lancer la galette (le projet me semblait un peu trop ambitieux et le passage chez les yankees du papa de The Host n'inaugurait rien de bon), je ne m'attendais pas à un tel désastre. Car c'est bien cela qu'est le Transperceneige, une plongée dans les abysses de la non création d'un réalisateur pourtant débordant d'idées géniales. Comme si on avait ôté à BJH tout son génie, qu'on l'avait mis sur le tournage avec des storyboard à imager sur lesquels il n'avait pas son mot à dire. Après 2 heures de vide sidéral nourri aux clichés pathétiques et aux essais anti bonne morale bas de plafond, le bilan est amer, rien, ou presque, n'est à sauver de ce transperceneige.
Oui, ou presque, parce que l'effort, dans la mise en scène notamment, est louable. On y retrouve le savoir faire de Bong Joon-Ho qui y distille des ambiances dont il a le secret. On sent par contre que l'homme est encore hésitant dès qu'il s'agit de filmer la tatane pure et dure. Que ce soit lors de la scène la plus généreuse en baston où des cagoulés débitent les petits révolutionnaires à coup de hache, où les guns fights suivants, difficile de trouver son compte. Et quand un personnage semble être fait de belles promesses, en l’occurrence le petit gringalet tatoué qui se la joue Statham en jumpant sur des bidons, ce n'est que poudre aux yeux tant il sera sous exploité par la suite.
C'est bien simple, c'est ce terme qui convient au film de Bong Joon-Ho. Sous exploité. Une ambition démesurée qui ne parvient jamais à trouver réponse en matière d'image et d'écriture. Cette fable sociale qui se veut l'illustration de la nature humaine et de son évolution tombe complètement à plat. Tous les personnages y sont sans consistance, et quand on comprend, au bout d'une lonnnnnnnnngue et pataude heure et demie, leur vraie utilité, c'est à l'occasion d'un twist que l'on sent venir à des kilomètres, aisément qualifiable de JTAIPRISPOURUNANETAURAISDUETREPLUSATTENTIF. C'est totalement insupportable cette façon qu'a le cinéma contemporain de prendre les gens pour des abrutis en compliquant inutilement son propos, uniquement pour cacher le vide dont il est pourvu. Parce que Le Transperceneige, c'est bien ça, du vide, dont le cache misère est fait de métaphores ultra pompeuses qui plairont à ceux qui sont touchés par l’aspect philosophique du message. Comme s’il fallait à tout prix cacher son statut de blockbuster avec un sous texte bancal uniquement destiné à faire naître des pistes d’interprétation d’une matière première riche en perspectives jamais exploitées dans le cas présent.
Pour ma part, j'attendais du film bien plus qu'une simple illustration bas de plafond de préceptes déjà illustrés à merveille par les plus grands auteurs de SF, et ce, depuis des dizaines d'années, et vus 15000 fois depuis dans bon nombre de séries et de films, plus ou moins réussis. A croire qu’il est aujourd’hui impensable de proposer une œuvre cohérente quand il s’agit de toucher à ce domaine. Il semblerait en effet que pour porter le genre sur grand écran, il faille impérativement le faire à grand coup d’effets spéciaux dégueulasses (tous les passages montrant le train en extérieur sont imbuvables), d’atmosphères aseptisées y compris lorsqu’elles sont censées être craspecs (on ne croit jamais à cette ambiance miséreuse régnant à la queue du train tant elle exagérée et superficielle) et de personnages creux bouffés par un côté à la fois ultra démagogique et surtout beaucoup trop métaphorique. Comme s’il était impossible pour une œuvre d’anticipation de se contenter de son sujet et qu’un enrobage grossier était nécessaire pour faire passer la pilule.
Peut être en attendais-je trop, mais en l’état je peine à comprendre le bel accueil qui a été réservé au film du pourtant génial Bong Joon-Ho. On va me contredire en me disant que je n’ai pas compris la portée de l’œuvre, que le twist final remet totalement en question. Et je ne pourrai dire, à mon tour, que ce twist, aussi malin et grossier soit-il, soit complètement dénué d’intérêt. Mais il ne justifie en rien la torture que nous impose Bong Joon-Ho pendant une heure et demie avant d’y arriver. Entre les plans sur les visages en proie aux larmes, des héros de seconde zone mourant au combat, et surtout l’écriture complètement manquée de tous les personnages en présence, je n'ai que l'embarras du choix pour trouver des exemples. Rapidement, on peut citer le héro qui se fend d’un monologue lourdingue pour ôter tout doute sur sa situation (ben ouais, pas trop de mystère SVP hein sinon nous les gros débiles devant notre écran on risque de plus rien comprendre) qu'il conclut par ses préférences alimentaire en matière de cannibalisme, dont on retiendra que, quitte à manger nos collègues, il convient de se jeter sur leurs bébés, ils sont bien plus tasty (j’aime l’humour noir et je ne suis pas friand de bonne morale, mais là ça sonne tellement faux que ça devient risible). Malheureusement, il n'est pas le seul à être maqué dans sa caractérisation : mention spéciale au vilain très très très méchant qui veut pas mourir et met à mal tous les personnages un peu costauds du petit groupe révolutionnaire ou la totalement déphasée Tilda Swinton dont le personnage est d'un ridicule à toute épreuve (vengeance hors champ en plus la concernant pffffff). Par charité, je ne parlerais même pas du quota asiatique qui rappelle à qui ne le saurait pas que BJH est coréen (oups !) ou du sidekick du pauvre Chris Evans qui nous renvoie avec nostalgie aux meilleurs Walker Texas Rangers.
Bon, je m'arrête là, j'ai conscience de ne plus êtres très constructif. En gros, j’ai tout rejeté, excusez cette palabre un brin rugueuse, je n’en peux plus de ce genre de film qui se la joue petit malin et se contente de faire des promesses, en brandissant haut et fort un pitch de départ savoureux, pour n’en livrer qu’une belle coquille complètement vide. Et ça me bouffe encore plus que cette déception totale vienne d’un réalisateur dont j’admire le boulot. Espérons qu’il retrouve ses esprits pour le prochain…