William Shakespeare's Romeo + Juliet (Roméo + Juliette) de Baz Luhrmann
(1996)
Clairement le film qui aura révélé Baz Luhrmann à la face du monde. Après un premier petit film intéressant mais perfectible, le réalisateur australien se voit offrir la possibilité de rejoindre la Fox, et de proposer son futur projet, qui sera finalement une proposition pour le moins atypique : une nouvelle version de l'histoire de Roméo et Juliette, transposée à l'heure actuelle, mais en conservant le texte original de William Shakespeare. L'idée, le traitement de Luhrmann, le film entier dans sa globalité avait tout pour ne pas être compris du public, et c'est donc avec surprise qu'il fut un succès total, et notamment public, au point d'être encore aujourd'hui certainement le film le plus vu et le plus apprécié de son auteur. D'un projet couillu résulte finalement un film aujourd'hui culte et qui opère toujours de son charme plus de quinze ans après sa sortie.
Comme toujours chez Luhrmann, le récit commence avec une introduction pour le moins déstabilisante, ici représentée par une fusillade façon John Woo, mais avec une excentricité visuelle qui pose directement le style du réalisateur. Pour autant, ce style clairement tape à l'oeil, d'un burlesque presque grossier, ne vient jamais entacher un récit qui se veut avant tout une tragédie. Mieux encore : là où l'humour de Shakespeare résidait avant tout dans des petits jeux de mots, Luhrmann a ici l'idée géniale d'en tirer des séquences qui permettent un véritable attachement aux différents protagonistes, ce qui ne fait que renforcer le caractère émotionnel d'une histoire dont tout le monde, de toute façon, connaît la conclusion sur le bout des doigts. Le pari de l'adaptation est donc remporté haut la main, non seulement la modernisation fonctionne de façon assez géniale, mais en plus l'idée toute simple de garder le texte original fait que l'on a jamais eu un film aussi fidèle au texte de Shakespeare. Luhrmann, dont le style ne peut que diviser, signe ici l'évolution logique de la forme de son premier film, à savoir une identité visuelle profondément marquée qui sait néanmoins se faire discrète dans les séquences d'émotions. Le mélange fonctionne totalement, et Luhrmann en profite pour signer quelques scènes superbes, que ce soit la séquence finale, la rencontre du couple ou encore cette fabuleuse séquence de la mort de Mercutio qui, symboliquement, est lourde de sens quand au rapport entre théâtre et cinéma.
La bande-son participe activement à l'identité particulière du métrage, et si certains retiendront davantage les chansons pré-existantes placées dans le film, c'est davantage le travail de Craig Armstrong qu'il faut saluer, avec des envolées musicales juste sublimes. Enfin, la popularité du film doit beaucoup à son casting, et si Claire Danes se révélait au grand jour tandis qu'on retrouvait une gallerie de seconds rôles, de Pete Postlethwaite à Harold Perrineau Jr., en très grande forme, c'est bien évidemment la présence de Leonardo DiCaprio (parfait, comme très souvent, et divinement beau par dessus le marché) qui aura retenu toute l'attention, chose qui se confirmera encore plus par la suite avec la sortie d'un certain Titanic. Un film à l'intention atypique, et pourtant totalement aboutie, qui, encore aujourd'hui, n'a toujours pas réellement d'égal cinématographique. Un vraie et unique expérience de cinéma en somme.
NOTE : 8,5/10