SCHIZOPHRENIA
• CHALLENGE BOM AVRIL 2K14 •
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Gerald Kargl (1983) | 8.5/10
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Viens là que je t'avale, que je te remue dans tous les sens et que je te recrache complètement vidé de toute émotion. C'est un peu le sentiment qui s'impose à la sortie de l'uppercut malsain de Gerald Kargl. En moins d'une heure vingt, il parvient à illustrer avec violence mais application un esprit torturé pour qui semble avoir été inventé le mot psychopathe. La belle leçon du réalisateur, c'est d'allier forme et provocation, absence de moralisation et bon sens pour nous plonger avec force dans les noires abysses de la nature humaine, comme rarement ce fut le cas.
En filmant au plus près cet être jamais sorti d'une enfance chaotique, uniquement guidé par ses pulsion, Gerald Kargl nous rend complice des faits et gestes de ce dernier. Non pas qu'il nous invite concrètement dans l'action, comme pourra le faire Haneke 15 ans plus tard dans Funny games et ses appels caméra si décriés, mais il nous met dans la peau du personnage, aux premières loges de ses pensées, pour que l'on assiste, impuissant, aux derniers souffles de ses victimes.
Cette plongée dans un esprit humain torturé a de quoi surprendre, surtout quand on se lance Schizophrenia un peu par hasard, ce qui fut mon cas. Je pense d'ailleurs que c'est la meilleure façon de se laisser aller à cette expérience unique, faite de malaise et de réflexion. Malaise provoqué à la fois par les agissements barbares du tueur mais aussi et surtout par la mise en scène oppressante qu'use Gerald Kargl pour les illustrer. L'intelligence du cinéaste, et c'est là que schizophrenia se distingue du film choc mais vide, est de ne pas sombrer dans une démonstration abjecte gratuite. A travers un découpage brutal en trois actes (Introduction du personnage et de ses tourments / Phase pulsionnelle et massacre / Fin du voyage en pleine euphorie) , il fait le tour de son propos avec virulence, Qui ? Pourquoi ? Comment ? Et après ? Imparable.
On remarquera d'ailleurs que le réalisateur finit son film dans un lieu qui avait été la première prise de contact du tueur avec son terrain de chasse. Ce dernier y retrouvera les premières proies de luxe qu'il comptait s'offrir ainsi que la galette saucisse allemande qu'il engloutit pour maîtriser ses envies morbides. C'est devant ces petites scènes qui semblent presque burlesques, sans pour autant éclipser le malaise qui se joue à l'écran, que l'on se rend compte que Gerald Kargl cerne à merveille son sujet.
En découle un sentiment que chaque chose est à sa place, entre narration brutale mais efficace, direction d'acteur magistrale (quelle prestation de Erwin Leder) et mise en scène on ne peut plus inspirée, fait suffisamment rare pour être retenu. La marque des films à part, des oeuvres réussies qu'il est impossible d'oublier. Car, soyez-en certain, vu l'électrochoc qu'il a été, Schizophrenia n'est pas près de s'estomper dans mes souvenirs.