Après le magnifique
feel good movie Foreign Duck, Native Duck, and God in a coin locker, Yoshihiro Nakamura signe et confirme qu'il est l'un des réalisateurs japonais les plus talentueux de la nouvelle génération, dont la particularité réside tout autant dans la manière de raconter ses histoires, sa direction d'acteurs, que son utilisation de la musique (la diversité en moins), trois caractéristiques qui font de lui le Tarantino nippon (toutes proportions gardées). Sauf que sa croisade pour l'optimisme contre les cyniques me fait surtout penser à du Spielberg. Ainsi, une simple chanson s'intitulant
Fish Story, pourtant issue d'un groupe
Punk à la renommée confidentielle, va pouvoir sauver le monde, en tous cas selon ces commerçants de vinyles qui semblent pourtant bien naïfs, préférant écouter leur musique tout en évoquant l'arrivée prophétique de super-héros de programmes TV plutôt que de fuir cette catastrophe qui leur arrive en pleine tronche, dont le moral inébranlable est rabattu par un annonceur de mauvaises nouvelles.
Sur cette base, on suit plusieurs époques différentes (jusqu'à la naissance de la chanson), dont l'issue va être connue par le spectateur qu'à la fin de la pellicule dans un remontage linéaire vraiment bluffant. Des personnages qu'on trouve immédiatement attachants, car ce sont des
freaks ou des
nerds, timides ou sûrs d'eux-mêmes, sur qui on ne parierait pas un dinar, des laissés pour-compte unis par deux choses, une chanson dont il manque obscurément une partie, objet de bien de fantasmes qu'ils interprètent chacun d'une manière bien singulière, et une sincérité à toute épreuve (
be your-self). Des tranches de vie bien sympathiques où on parle de culture-pop japonaise, d'intégrité artistique et de l'amitié contre la mode et les exigences de vente, d'appel de la justice contre les tyrans (vraiment kiffante cette partie), et de fin du monde, toutes unies sous la même bannière de cette chanson aux paroles incompréhensibles au premier abord, mais qui dégagent une bonne
Vibe qui donne envie d'aller de l'avant, et va influencer leur destinée.
Selon moi, du point de vue du film, ce n'est pas ici une chanson qui sauve le monde, mais le fait de bien raconter une histoire, avec un début apparemment anodin, une suite enchaînant les surprises avec un bon suspens en accordant de manière fluide à travers la destinée d'une chanson et la manière dont on la reçoit, petites histoires et la Grande, et une fin qui délivre la libération. Donc, encore une grande découverte du cinéma que je fais, qui fait du bien au moral, car au-delà de la façon dont on s'attache aux personnages, qu'on s'intéresse à ces micro-histoires, tous ces destins croisés nous parlent, peu importent leur réussite et leur échec laissés en suspens jusqu'au dénouement final. C'est là que réside la marque de ce réalisateur, de donner sens à la possibilité d'échouer (avec la culture
Punk comme porte-étendard d'un bel essai qui n'était pas fait pour durer) tout en jouant sur un - génial - malentendu, car peut importe ce qui va suivre, suit ton coeur et tout ira bien. Une belle vague d'optimisme qui fait du bien, et un film que je classe parmi les cinq plus importants de cette décennie nippone en ce qui me concerne.
Yoshihiro Nakamura, un réalisateur qui est donc à retenir dans sa manière de livrer d'aussi belles histoires à tiroirs, unies sous le signe de l'importance et de l'universalité de la musique qui transcende les frontières entre individus et époques, et peut même sauver des vies. Un film-catastrophe digéré de manière fort originale, où chacun est un super-héros en puissance. Non, le cinéma nippon n'est pas mort (le
Punk non plus d'ailleurs, pour ce qu'il représente du moins).
Note : 9.5/10