Richard Fleischer est un touche à tout connu pour son application et son efficacité, et pour cette raison j'ai beaucoup aimé son
Etrangleur de Boston qui, même s'il n'a pas fait date dans le genre du film de tueurs en série - sûrement car il se résume à une bonne synthèse d'influences diverses sans parvenir à se trouver une identité propre -, avait le mérite de se reposer sur un bon duo d'acteurs, et un mélange intéressant de genres qui parvenaient à renouveler une intrigue déjà solide, et donc l'intérêt du spectateur. Ici, il tente de reprendre la même recette, mais c'est malheureusement plus qu'anecdotique. Se basant sur un fait divers, le réalisateur ne parvient pas à faire décoller ou traiter son histoire de manière intéressante. Ainsi, contrairement au film pré-cité, les points de vue sont absents, pas d'enquête non plus, on suit purement et simplement l'intrigue sans se préoccuper de conférer une psychologie approfondie aux personnages pour donner raison à leurs actes.
Pourtant l'idée d'un tueur abusant de la confiance de ses victimes était prometteuse. D'ailleurs l'interprétation du
badguy est très bonne. On ne se contente pas de faire ressentir la perversité et l'ambiguïté qui l'habitent (masqués par un ton mielleux et affable qui trompent son entourage), mais on suggère des actes absolument ignobles. Remarquons aussi la jeune présence de John Hurt qui joue bien ce naïf analphabète pris au piège par ce mythomane, ironique puisqu'il jouait lui-même au bourgeois. Malgré ces deux bons personnages, le script regorge malheureusement de petites facilités qui font que ça ne prend pas. C'est le soucis lorsqu'il n'y a aucun mystère (l'identité du tueur et son mode opératoire sont dévoilés dès le début), car ainsi on voit toutes les ficelles si le script n'est pas suffisamment solide, inspirée d'une histoire vraie ou pas. Ainsi, normalement très intelligent le tueur enchaine les maladresses, ce qui nous amène lourdement au coeur du film enchaînant abus sur abus, duperie sur duperie. Ensuite on croît à peine en la bêtise du pauvre mari (tout simple d'esprit soit-il) pris dans cette sombre machination, bien que la façon retorse dont le tueur embobine ce dernier force le respect. On se demande aussi comment la personne qui vit avec lui ne se doute de rien. Et enfin la police me semble un peu trop inefficace face aux incohérences des aveux du mari. Le seul moment passionnant du script est la phase du procès, avant-dernier acte qui confronte le tueur et le mari de manière à faire ressortir leurs zones d'ombre, et montre à quel point ce dernier est dépassé par les évènements, pris dans un système judiciaire injuste et incapable de découvrir les contradictions en train de se dérouler devant leurs yeux.
Bref, ce n'est pas fameux. La réalisation ressemble à un téléfilm amélioré. La photo épurée, au moins, parvient à reproduire la crasse et la pauvreté d'une ville de campagne, un lieu parfait pour profiter des plus démunis. Il faut savoir qu'ils ont tourné le film au même endroit que les lieux du crime, par volonté d'authenticité. Et c'est justement ce que je reproche à ce dernier, car à trop vouloir reproduire les faits, finalement on a l'impression que ça manque de recul, et qu'on ne fait que raconter une histoire sordide assez connue de tous, avec un déroulement qui m'a peu surpris. L'unique intérêt de cette oeuvre pourtant réputée repose sur l'étude de caractère du psychopathe - dont l'obsession est parfois bien mise en valeur à coup de gros plans, plans de miroir, ou de petite musique inquiétante -, et la facilité avec laquelle il parvient à berner tout le monde, remettant en cause en même temps le système judiciaire de l'époque. Dommage que le reste ne soit pas à la hauteur, on a trop souvent l'impression de regarder un documentaire sans prendre parti pour aucun personnage.
A réserver aux plus complétistes, éventuellement à ceux qui apprécient ce traitement factuel. Moi, ça me laisse froid.