Ten, Abbas Kiarostami (2002)
Au début la mise en scène fait peur. Champ/contre-champ dans une bagnole et parfois que du plan fixe, avec une femme persane comme fil directeur, qui discute avec des gens qu'elle accompagne un bout de temps comme un taxi. Une contrainte budgétaire certainement qui finit par bien s'accorder avec le sujet du film, l'indépendance des femmes en Iran et la conséquence sur son fils, contrasté par d'autres rencontres amicales/faites au hasard avec des personnages récurrents comme ce dernier. Peut-être aussi que c'est intentionnel, la parole trouvant ainsi un espace d'expression sûrement plus important qu'à l'extérieur. Certes, les échanges obéissent à une logique parfois un peu trop dialectique, ce qui casse leur authenticité, mais leurs confrontations révèlent des choses très intéressantes sur la société qui les entoure, bien que parfois inégales et redondantes (la relation mère-fils est la plus intéressante du lot), comme l'éducation, la parentalité, la religion, l'apparence, l'inter-génération, la sexualité, ou le mariage. En outre, même si on s'attache naturellement plus à cette femme libérée d'autant plus qu'elle est plutôt jolie et moderne, les autres disent aussi des choses qui ont du sens, faisant apparaître une vérité multiple. Ainsi, être indépendante pour une femme ne signifie pas la même chose pour son enfant qui a besoin de modèles plus classiques auxquels il peut s'identifier, le sexe et le mariage peuvent être détachés de l'amour et peuvent être autant une marque de liberté que d'oppression, et enfin on peut aller au Mausolée sans croire, juste pour trouver un lieu apaisant et se retrouver soi-même. Un film qui porte également sur l'expérience de la vie, ses gains et ses pertes qui ne sont pas les mêmes pour tout le monde.
Il serait donc dommage de s'arrêter au style épuré et minimaliste de ce film qui nous en apprend beaucoup sur cette société à multiples visages en train de vivre une période de transition importante, mais aussi sur la psychologie d'une femme libérée qui prend sa mesure avec son environnement relationnel qu'elle nous révèle par ses rencontres ou ses dialogues.
Pas très beau - au secours la photo naturaliste/pas travaillée - et répétitif en dépit de sa courte durée - c'est que du dialogue -, mais ces dix micro-histoires qu'on suit comme une pièce de théâtre filmé sont intéressantes et nuancées dans ce qu'elles avancent. Dommage que les réactions du fils paraissent trop en avance par rapport à son âge présumé, ce qui n'enlève rien à leur pertinence, mais on sent que ce sont des réflexions d'adulte sur l'enfance et non des pensées d'enfant, ce qui atténue l'approche réaliste du propos.
Note : 6/10