Un film que je revois d'un autre oeil. La première fois, j'avais pris
The Host pour un simple film de monstres. Erreur monumentale, puisque dès l'introduction fortement symbolique, ce ne sera qu'un prétexte pour dresser un portrait riche et foisonnant sur les dessous nauséabonds de la Corée du sud. Une bête qu'on voit en effet quinze minutes à tout casser sur les deux heures du long-métrage (d'ailleurs pas toujours bien intégrée à l'image, surtout au début quand elle apparaît en plein jour, un défaut technique compensé par son look singulier d'affreux calamar tout droit sorti d'une soupe Kimchi, et sa constante morfale) mais qui va effleurer : problèmes écolo, inégalités sociales et économiques, corruption généralisée, politique de la peur reprise par les médias, et immobilisme de la police. Et ce qui m'a surtout épaté, c'est la gestion des ruptures de ton qui permettent un sacré bon petit divertissement - malgré l'intelligence du script et sa profondeur qui ne plombent jamais le rythme -, mélangeant souvent sur le même plan critique de la société, drame familial, comédie burlesque, et chasse au monstre, au point que j'étais presque choqué de voir une scène comme celle de l'enterrement, aussi drôle que tire-larmes.
Faut dire aussi que le coeur du film est super attachant, à savoir cette famille de gentils toqués et laissés pour-compte, divisée puis rassemblée autour de cette charmante jeune ado enlevée par la vilaine bestiole tentaculaire au fond des égouts, encore une autre image très marquante de ce que tous vont devoir affronter. Chacun des membres a un petit truc qui leur manque pour être accompli, et poussés par la même cause ils vont se défoncer, d'abord comme groupe contre la société égoïste et intéressée qui les entoure - hôpital, collègues, armée, médias - une nouvelle fois illustrée par de petites scènes décalées assez drôles par la manière dont on tourne en ridicule leurs comportements déviants - duperie, manipulation, protectionnisme - visant à faire taire les récalcitrants par rapport à la disparition de la fille (associée à un secret d'Etat), puis comme individus, ce qui apporte une dimension épique et tragique au récit, tandis que ça débutait davantage comme un film à prendre au second degré. A ce titre, l'écriture des personnages joue dans la balance, bien caractérisés par leurs petites tares, puis connaissent une évolution touchante au fur et à mesure jusqu'à retourner ce qui leur faisait défaut contre la bête qui incarne au fond tout ce qu'on leur a enlevé.
The Host, un modèle de construction et de la manière dont on peut adapter un genre ultra codifié pour parler de problèmes graves sans oublier le divertissement et l'implication du spectateur, qui évolue en même temps que cette famille d'
outsiders qui fait face à une société immergée dans ses maux, le tout en passant par un spectre d'émotions très complet (rires, frissons, larmes, bonheur). Bien plus qu'un film de monstres, un beau film post 09-11 blindé de symboles toujours bien intégrés au récit, et porté par une réalisation maîtrisée en constante renouvellement de styles et d'ambiances.