Paprika de Satoshi Kon (2006) - 9/10
Paprika, c’est une « rêve » party grandeur nature, un labyrinthe de rêveries foutraques et de cauchemars grandiloquents, aux couleurs chatoyantes qui débordent d’inventivité visuelle et qui derrière cette fantaisie constante, cache ce qu’il y a de plus humain en nous. Dans un Japon contemporain, un groupe de chercheur a inventé une technologie permettant de rentrer dans les rêves pour comprendre l’inconscient humain. D’emblée, le film nous insère dans l’esprit psychique de ce flic un peu perdu, s’accrochant de branches en branches, allant de strates en strates, où chaque pièce dévoile une symbolique bien précise. Satoshi Kon voit en l’illusion et la perte de degré de réalité une thématique principale, pour mieux apprivoiser son art et refléter la véritable réalité de ce qui fait la nature propre de ses personnages à l’image de ce duo schizophrénique Atsuko Chiba vs Paprika. Mais cette machine, appelé communément DC Mini, est convoitée et est volée par une sorte terroriste voulant devenir le maître des rêves. A partir de là, une quête pour retrouver le coupable va plonger Paprika dans frénésie virtuelle sans fin, où l’on passera de la réalité au rêve ou inversement, où l’on sortira d’un rêve pour rentrer dans celui d’un autre. C’est dans ce but, que les MDC Dini avaient comme possibilité de multiplier et d’unir les rêves de tout un chacun. Satoshi Kon, part dans un délire le complet, sans jamais se perdre, constituant un récit porté par un montage dantesque qui manipule autant l’esprit des protagonistes que celui du spectateur. On y voit des hommes géants, des poupées qui parlent, des hommes se transformant en robot, une fée qui vole, toute une imagerie surréaliste enivrante, à la classe implacable. Le monde des rêveries, est un monde peuplé de folie, de trouvailles graphiques qui oscillent entre un réalisme perturbant et symbolisme lyrisme déroutant. Cela va sans dire que le dessin est grandiose, débouchant sur un spectacle d’une beauté à couper le souffle. De minutes en minutes, une intrigue à la fois attachante et quasi horrifique prend du volume, et distille en filigrane un regard singulier mettant un visage sur les torpeurs de tous ses personnages. Malgré cette démesure perpétuelle, offrant un univers onirique et surréaliste, le film n’est pas prisonnier de son dispositif transgressif à la narration alambiquée. Jamais excluant et toujours ludique, le film pourrait se perdre dans les limbes de sa féerie, s’imaginer comme un simple délire fluorescent passant d’un monde à un autre sans aucune raison, catapultant au coup de vent des thématiques comme celle de la mise en abîme du cinéma, mais Paprika n’oublie jamais de parler de l’humain, et ce qui fait de lui un rêveur, avec cette capacité à se créer un monde miroir, mais qui a comme l’inconvénient de s’isoler et permettant de ne pas dévoiler nos plus lointains secrets. Paprika sait redescendre sur terre pour mettre un point d’honneur à retranscrire une émotion fine mais terriblement révélatrice, faisant de cette œuvre une expérience sensorielle à la densité insoupçonnable.