⌲ ACT OF VIOLENCE (1948)de Fred Zinnemann avec Van Heflin, Robert Ryan, Janet Leigh.
Histoire: Joe Parkson vient de faire irruption dans la vie du paisible et respectable Franck Enley. Il est l'un des deux survivants d'un groupe de prisonniers de guerre trahis par l'un des leurs...
Un homme, Franck Enley, père de famille et mari respectable aux affaires fructueuses, cache un terrible secret. Un soir comme un autre, le secret, plaie fermée qu'artificiellement, décide de se rouvrir et cet homme respectable se fait alors rattraper par une force rampante impossible à ignorer: la culpabilité. Pourtant l'ignorance fut le premier réflexe, celui de la facilité : prétendre qu'elle n'existe pas et s'arrêter de respirer une minute le temps qu'elle s'en aille puis recommencer à vivre comme si elle n'était jamais apparue. Mais la culpabilité appelle la mort et la mort est un mal qui traverse les portes, la barrière de l'ignorance car la mort est tenace. Quand on la provoque, elle revient vous hanter jusqu'à ce que vous lui fassiez face, une fois pour toute. Mais Frank est un homme et l'homme refuse de voir la fatalité en face car il est faible et lâche. Et il a beau finir par l'assumer et avouer son terrible secret, il est trop tard et il le sait. Mais il refuse de l'entendre, refuse de comprendre que même une fois la faute avouée, elle ne sera pas pardonnée. Alors l'homme fuit, court, longe le tunnel du déni jusqu'à ce qu'il n'y trouve plus de sens, plus de chemin à part celui qui le confrontera de nouveau à celui de la fatalité. Car c'est le seul chemin possible. Mais l'homme n'est pas seul, la femme l'accompagne : elle est son refuge, son seul moyen de rationaliser ses péchés, comme un petit ange au dessus de son épaule, l'homme écoute et tente de recréer dans sa tête le bout de chemin qu'essaie de lui dessiner la femme, l'espoir. L'espoir, l'espoir, ce mot se répète en lui comme une fausse vérité, un songe inaccessible. Car la femme ne sait pas, elle n'y était pas, elle ne peut pas savoir, l'espoir n'existe pas pour l'homme qui a provoqué la mort. Alors l'homme sort de sa rêverie malgré lui et la culpabilité est toujours là, rampante, aussi fringante et implacable qu'elle ne l'a jamais été, palpable et saisissante devant lui. Plus le temps de fuir, ni d'ignorer, alors quoi ? Que peut-il faire ? Quels sont ses outils ? L'argent ? Oui, c'est ça, l'argent. Si la culpabilité ne s'en va pas, l'homme va l'acheter car dans ce monde, tout est achetable, tout est à vendre. La noirceur est là, bien ancrée. L'homme se livre et montre toutes ses cartes, donne tous ses outils, tous ses atouts mais la mort est insaisissable et lui rit au nez. L'homme n'est rien de plus dans ce monde qu'une âme en perdition tentant de vivre avec ses maux. Et la mort, qu'est-elle dont au sein de ce monde de rapaces prêt à attraper de ses griffes le premier qui ose avouer sa faiblesse. Cet homme est faible mais puissant, le monde sera donc là pour le rincer, l'essorer de sa souffrance tant qu'elle coule en billets verts dans son seau forgé de cynisme cru. L'homme n'est donc plus rien qu'un morceau de tissu rampant aussi bien que le mal qui tente de le rattraper. Alors l'homme est là et n'a plus d'autres choix que de le regarder en face. Lui, cet autre homme, cette autre face, cette culpabilité. Frank échange alors son acte de violence par un acte de rédemption et son récit n'en devient que plus noble. La boucle et bouclée et le constat âpre et amer. Un film puissant dans son double dialogue, qui confronte, trois ans après la fin de la guerre, l'héritage porté par les séquelles d'une période si noire.
8.5/10