⌲ AMERICAN HUSTLE (2014)de David O. Russell avec Christian Bale, Bradley Cooper, Amy Adams, Jeremy Renner, Jennifer Lawrence.
Histoire: Entre fiction et réalité, American Hustle nous plonge dans l’univers fascinant de l’un des plus extraordinaires scandales qui ait secoué l’Amérique dans les années 70. Un escroc particulièrement brillant, Irving Rosenfeld, et sa belle complice, Sydney Prosser, se retrouvent obligés par un agent du FBI, Richie DiMaso, de nager dans les eaux troubles de la mafia et du pouvoir pour piéger un homme politique corrompu, Carmine Polito. Le piège est risqué, d’autant que l’imprévisible épouse d’Irving, Rosalyn, pourrait bien tous les conduire à leur perte…
Un cercle vide de 140 minutes de diamètre. Trop sérieux pour être un Vaudeville, enfermé dans un costard mal taillé, un film qui baille dans des chaussures de thriller politique trop grande pour lui.
Pourtant, tout cela commence pas trop mal. La scène d’introduction semble annoncer un parfait résumé du thème à aborder: un homme ridiculement accoutré tente de replacer ses cheveux factices sur le haut de son crâne chauve. Le postiche portant la parabole de la pose du faux sur du vrai, on se dit qu’avec une histoire d’escroquerie, d’hommes qui volent de l’argent en spéculant sur du vrai, O. Russell est droit dans le sujet.
De plus, le postiche s’accompagne de lunettes fumées uniquement portée par mon Tonton Franco quand il était à la pointe du fashion, de coupes de cheveux frisées et de costards en velours, nous sommes bien en 1978 et le contexte n’aurait pas pu être posé aussi efficacement. En sautant les pieds dans le plat, le réalisateur commence son récit dans l’action, l’expiration, lançant son élan comme à la fin d’une longue respiration. Mais tout cela était avant le drame bien entendu. Car c’est à ce moment précis, au bout d’environ trois minutes de film, que le premier (d’une longue série) et plus énorme artifice entre en scène: un flashback de cinquante minutes qui coupe l’action en cours et se met à effectuer une présentation vulgaire et superficielle des personnages principaux. Aidée d’une voix off (how original) tellement inutile et déplacée qu’on se croirait enfermé dans un bonus DVD, cette présentation ne fait que résumer les acteurs du récit à de simples vignettes qu’on anime soudainement, mais qui n’en dit jamais plus que ce qui nous est montré à l’écran.
On comprend alors où on a finalement mis les pieds: O. Russell vient de former un point au milieu d’une page blanche et commence à peine à démarrer la boucle qui formera ce cercle dénué de contenu. Pire, tout ce qui se passe sonne comme la répétition d’une scène de théâtre: c’est éloquant et bavard mais on sait que tout est faux autour et que rien n’existe. Improvisé, en somme. C’est comme si l’on commencait à dessiner quelque chose avant de se rendre compte de son manque d’inspiration ; mais comme on doit continuer quand même, on brode, on dessine des trucs en vracs, qui n’ont pas de sens, aucun reflet, juste pour combler son ennui et se dire qu’à la fin, on aura quand même un dessin sur la feuille et un chèque à postiori. Techniquement, on peut aisément affirmer que O’Russell avait 40 millions de dollars à dépenser, et trop fatigué à trouver quelque chose à la hauteur de Happiness Therapy, a appelé les même gus et a laissé tourner sa caméra pendant qu’il allait se prendre un bon bain, se faire une pédicure ou même des putain de bigoudis, tant qu’on y est.
Si encore les acteurs étaient là pour sauver la baraque (l’energie du moment ne sert pas à faire raisonner du sens, aussi enervé soit-on) mais il n’y a aucun investissement de la part d’aucun d’entre eux. Ce sont seulement des acteurs trop payés habillés pour une boum de mauvais goût. Christian Bale n’est pas Irving Rosenfeld, il est Christian Bale avec un gros bide et un postiche sur la tête qui arrive tout de même à emballer Amy Adams le radiateur de service et Jennifer Lawrence, qui elle n’a toujours pas été prévenue qu’on était passé à un autre film (helloooo, crazy !). On sent néanmoins la présence d’un possible second degré, une probable volonté burlesque, mais pas comme une évidence, plutôt comme écho qu’on entend raisonner au loin et dont on se demande s’il faudrait y déceler de l’intérêt, tenter d’y trouver un sens. Mais c’est tellement furtif dans la première partie, et lourde dans la seconde, que ça ne peut que tomber à l’eau, comme le reste.
Et même si on en revient à la parabole du début: ce postiche sur un crâne dégarni, on termine ce douloureux voyage en constatant que tout était faux, que tout le monde à la création et derrière l’écran savaient que tout était faux, mais qu’ils n’avaient aucune intention de parler du faux. Les scénaristes ont tellement peur de traiter du sujet qu’ils ne font que tourner autour du pot, voir fuir le moment fatidique où au bout d’un moment, il est obligé de se passer quelque chose. Mais il n’en fut rien. Alors qu’était-ce que American Hustle ? Une parodie ratée d’un Scorsese ? Une fable lourde sur le fait que les gens sont influençables et inexorablement cons ? Merci, on en avait déjà la conviction. Si j’étais un peu vulgaire et simpliste (si je me mettais au niveau du film, donc), je dirais que le film est comme écouter une superbe fille parler de choses quelconques tout en sachant très bien qu’il n’y aura jamais concrétisation. Qui s’infligerait un truc pareil ?
Même les décolletés d’Amy Adams, donc, ni les scénettes burlesques incluant Louis CK (seul running gag efficace du film) n’arrivent à sauver un film qui pourra uniquement se résumer à une chose: une perte de temps.
3/10