Bonne branlette ... Bon en fait c'est vraiment un très bon film, et je crois que c'est la première fois que je le vois en entier. Une oeuvre souvent oubliée dans la filmographie de Verhoeven, conspuée (pour son sujet, son traitement ?), alors que j'y vois un divertissement, certes pour adultes, mais absolument fascinant, intelligent, qui cache (plein de sous-entendus ce mot) bien son jeu. J'adore vraiment ce mec, réalisateur sulfureux par excellence, qui en lâchant des personnages
over the top, révèle nos pulsions animales, jouant avec son spectateur, en faisant surgir une véritable sincérité derrière le voile des apparences et de la superficialité.
Show girls c'est exactement ça, un film qui s'insère parfaitement dans ses thématiques, un spectacle où il envoie la sauce (hum hum) sans prendre de pincettes, mais montre en même temps des personnages tour à tour attachants et détestables, dans l'univers clinquant et visuel de Las Vegas où la nature humaine est montrée sous différents aspects, différentes lumières - de projecteur.
On suit ainsi le parcours de cette jeune fille plein de naturel, instinctive et bestiale, ayant un véritable talent pour la danse mais aux origines mystérieuses avec un passé qu'on devine terrible, désirant briller et devenir une reine sur les planches. Le pari génial que réussit Verhoeven est de rendre ses personnages vrais, putassiers et vulgaires mais en même temps attachants car ils ne se cachent pas mais montrent leur réelle nature en faisant ce qu'ils font. En même temps le milieu du Dancing-Hall est l'occasion de jouer avec notre regard/voyeurisme, et d'en révéler les dessous avec des personnages qui se livrent à une relation dominé/dominant (le dernier spectacle SM en est même une illustration brillante). On nous tient dès le début par la manière dont on nous dépeint cette passionnée, accueillie par une autre danseuse qui est la seule à être sincère et droite jusqu'au bout sans oublier son naturel du début à la fin. Tous les autres ne sont pas mauvais pour autant, mais peuvent se montrer comme de véritables carnassiers où la danse en ces lieux est toujours quelque part reliée aux sexe, à l'argent, aux paillettes, surtout lorsqu'on passe d'un environnement plus visible dans ses intentions mais au moins ne ment pas sur la marchandise, vers un autre bien plus pernicieux et pervers, où les pires ne sont pas ceux qu'on croit.
Et la forme sert toujours le fond, alternant petites scènes intimistes, jeux de pouvoir, danses sexy et parfois sexuelles qui font monter au rideau, servies bien sûr par un casting
hot et convaincant, où aucun personnage n'est laissé au hasard et joue un maillon important dans ce milieu où le regard, le désir et ses facettes, remplissent l'écran tout entier. Chaque acteur est très bien dirigé (si j'avais su qu'Elisabeth Berkley me plairait pour autre chose que son physique, elle a presque réussi à m'arracher une larme). Et Verhoeven a le sens du show, il rend les danses intenses et sait placer sa caméra là où il faut, sans avoir peur de la censure mais sans oublier l'essentiel, de jouer avec nous - sauf cette fameuse scène de viol qui symbolise le retour brutal à la réalité sans le "touche-moi avec les yeux", scène d'autant plus difficile qu'elle affecte l'unique personnage irréprochable et réellement sympathique -. C'est aussi un magnifique portrait de femme qui utilise/est utilisée par ce cadre superficiel pour transfigurer sa condition initiale, redécouvrir l'essentiel (par l'amitié et l'esprit de famille que leur offrent quelques-uns de ses partenaires), devenir une dominante, et pouvoir finalement se regarder en face et se trouver. Mais ce film d'une richesse exceptionnelle ne s'arrête pas là en montrant que cette chaîne ne cessera pas aussi longtemps que d'autres seront attirés par les feux de la réussite (où Las Vegas est suggérée comme un reflet atrophié du Rêve américain), auto-alimentée par les nouvelles recrues en quête de gloire, peu en importent les moyens.
Bref une redécouverte complète, et j'ose la comparaison, ce film c'est
Casino pour sa lente descente aux enfers, revu par Verhoeven avec une pointe de B. De Palma pour ses thématiques centrales du sexe, de la violence, des apparences, et surtout du regard et du voyeurisme, mais avec sa touche acide, sulfureuse, avec une pointe de satire, mais aussi peut-être d'espoir et de renaissance (pas sûr quand on connait la nouvelle destination). Du cinéma sincère, entier, vivant, incarné, et non édulcoré comme ça, j'en veux encore.