La Défense Lincoln Brad Furman - 2011
Découverte
Los Angeles est une ville à part. Incomparable lorsqu'il s'agit de parler de l'innocent et du coupable, du beau et du laid, de l'honnête et du trompeur. Cette ville et globalement la Californie ont été glorifiées par des films parlant de la corruption qui est la base de la ville. Les nuits torrides, les palmiers qui bordent les rues les plus dangereuses, les maisons sur les collines, de toutes tailles, surplombant les lumières scintillantes de la ville, sont des caractéristiques élémentaires du film noir moderne ou classique. C'est une ville qui est faite pour l'extravagance, la tragédie, les personnages les plus impitoyables, la beauté et les actes horribles. Cela n'empêche pourtant pas d'être toujours attirée par elle, curieusement. L.A est montrée avec un caractère sinistre et ombrageux en opposition au glamour et à la beauté superficielle qu'on nous ressert habituellement ( elle est retranscrite comme je l'ai perçue en fait).
Pourtant, la caractéristique probablement la plus distinctive du film noir et de L.A est le héro américain à l'attitude cool (raillé ou envié dans nos contrées) et qui n'a pas peur de creuser dans le passé.
Et qui de plus cool que McConaughey pour se pavaner dans les rues de Los Angeles, dans une Lincoln noire (qui lui sert de bureau d'avocat) avec chauffeur ? L'acteur campe un avocat de la défense, réputé, hautain, cupide et sans scrupules, ne voulant que des affaires pour lesquelles il est sûr de gagner. Bref un escroc derrière un costard cravate et une mallette, qui sait s'entourer d'informateurs en tout genre: toxico, motards, escrocs divers, et même son ex-femme qui travaille pour le procureur. Tout son entourage est lié à son business. Il est le genre de bonhomme prêt à avaler ici les couleuvres de l'hypocrisie d'une famille bourgeoise et respectée dans un cas de meurtre de prostituée. La plupart des gens seraient peu enclins à se mêler de ce genre d'histoires avec pour but de rétablir tout ce qui est corrompu. Mais le personnage typique, de l'américain, cool et son effort ambitieux pour lutter contre la violence et la tromperie est une figure caractéristique du cinéma américain à laquelle nous n'échappons pas ici, une nouvelle fois.
Alors quand cet avocat a la possibilité de prendre cette affaire qui promet une importante rentrée d'argent, il saute dessus. Au cours de son enquête pour la défense, en collaboration avec son enquêteur (joué par un William H.Macy au look priceless, sorte de Magnum du pauvre), les problèmes surgissent, démontrant les mensonges de son client. C'est alors qu'il décide de creuser le passé plus profondément et de découvrir alors plus que prévu...
Quand je vois habituellement McConaughey transpirant, le souffle coupé, torse nu et buvant un coup, c'est plutôt juste après une scène de sex. J'ai malheureusement vu de nombreux films avec lui se livrant à de tels actes peu valorisant pour un acteur. Dans ce film, j'ai assisté à sa propre rédemption en tant qu'acteur au-delà de celle de son personnage. Certes il conserve toujours ce regard, fruit d'abus d'alcool et de nuits blanches à répétition, mais ici ce n'est pas le cas de son personnage. Son apparence d'homme épuisé est dûe à son acharnement professionnel. Étant un avocat de la défense, l'insomnie est garantie. Il est engagé dans son travail et émotionnellement attaché à certaines affaires, lui qui d'habitude ne semble être que pur égo et narcissisme (notamment un flash-back nous éclaire sur un cas précédent, impliquant un suspect pour meurtre dont l'avocat a négocié la perpétuité pour échapper à la peine de mort en plaidant coupable, alors que celui-ci lui clame son innocence à corps et à cri, ce qui fait douter le perso de McConaughey sur le fait de priver de liberté un homme peut-être innocent pour une fois alors que les preuves l'accablent a priori). Lors d'une scène suivante, montrant l'avocat passablement éméché, McConaughey dit quelque chose à son ex-femme (Marisa Tomei, désirable et bonne actrice, comme toujours, malheureusement elle incarne un perso qui n'est pas amené à être montré plus que ça, comme toujours bis) qui résume toute la duplicité du personnage, empêtré dans ses contradictions hypocrites, entre professionnel cupide, égocentrique et narcissique d'une part et être humain "plus humain" d'autre part: "I was once afraid of innocence. Now I'm afraid of pure evil". Finalement (et cela sera confirmé plus tard dans sa carrière), McConaughey trouve enfin le rôle lui permettant d'être véritablement consistant (et non juste un playboy) et de trouver la reconnaissance. Son interprétation est un portrait bien forgé d'un homme blessé intérieurement, émotionnellement secoué et traînant avec lui un passé qui le hante. C'est ainsi que "La défense Lincoln" se distingue de la pléthore de séries TV policières ou de films récents du même genre.
Le scénario nous épargne également intelligemment l'écueil d'un récit ennuyeux et de personnages insipides qu'on trouve généralement dans les films de prétoire. Cette adaptation d'un roman de Michael Connelly mêle efficacement suspense et tension dramatique sous couvert de thriller juridique. Les acteurs sont bons, en particulier McConaughey qui est un cast judicieux pour ce personnage d'avocat de la défense à succès et à l'égo surdimensionné. Le développement de son personnage plus en profondeur, axé autour de la famille, de l'amitié et de l'orgueil, ampli de tourments et de regrets, proche de la rédemption, n'est pas novateur sur le fond mais bien foutu.
En conclusion, un bon cast, un script plutôt intelligent, une bande-son exquise, une représentation du L.A que je connais, un rythme rapide, la cool-attitude général du film et surtout un McConaughey qui m'a bluffé dans la peau d'un homme accablé de remords, désireux de rédemption et de réhabilitation judiciaire et personnelle, parviennent à fournir un divertissement de qualité et bien emballé.
8.5/10
Les hommes livrent leur âme, comme les femmes leur corps, par zones successives et bien défendues.