Adaptation du roman éponyme, c'est le genre de comédie typiquement britannique que les Monty Python auraient pu réaliser, avec des moyens conséquents en bonus. L'idée de départ est originale et géniale, introduisant le point de vue d'extra-terrestres sur la Terre et ses habitants, avec une grosse part de décalage et d'absurde, comme les dauphins qui se seraient épuisés à nous transmettre des signaux de détresse comme quoi la fin du monde allait arriver bientôt. Et le plus dément est d'avoir su maintenir une base cohérente à ce bordel cosmique via ce fameux manuel intergalactique, entre cet enchaînement d'anachronismes tous plus fous les uns que les autres, qui relient l'immensément grand à l'immensément petit d'une manière constamment surprenante et désopilante (à l'image du début avec l'analogie des deux autoroutes). C'est comme si le point de vue d'êtres étrangers explosait les barrières de notre imaginaire, et vous allez sûrement aussi vous demander, comme moi, quel est le sens et l'utilité de cette foutue serviette que nos héros se trimbalent à tout bout de champ.

Ainsi ce film revisite le genre de la science-fiction et aborde les grandes questions de la vie et du sens de l'univers sous un angle qui relativise nos petits soucis (en réinterprétant différemment, violemment, tout ce qu'on croyait savoir) tout en faisant référence à l'humour britannique, en se moquant par exemple des lourdeurs de l'administration, du non-sens des décisions politiques, ou encore de la religion (le passage du "grand mouchoir", c'est juste énorme). Or, l'une de ses grandes forces est de ne pas se limiter à dynamiter les bornes de notre rationalité, mais à réellement nous questionner sur ce qui importe réellement. Presque rien en fait, et cet humour salvateur va justement balayer par une inventivité inépuisable tout le superflu (même le super-ordinateur censé avoir toutes les réponses semble être passé à autre chose) pour laisser l'essentiel, je vous laisse le plaisir de découvrir cela par vous-mêmes.

Pour revenir à la réalisation, c'est le curieux mélange entre l'univers foutraque, foisonnant, et créatif de Terry Gilliam, et les effets spéciaux d'aujourd'hui, avec une grosse dose d'inspiration dans la mise en scène et le design. Ainsi, nous sommes immergés sans peine au coeur de ces différents planètes et environnements extraterrestres, avec un bestiaire impressionnant et des personnages tous plus rigolos et colorés les uns que les autres (la tapette qui apparaît à chaque fois qu'une idée leur traverse l'esprit est un exemple de cet imaginaire débordant pas si bête). Les personnages principaux sont aussi de joyeux lurons (m'enfin presque, il y a un robot maniaco-dépressif), avec le terrien qui a eu seulement le temps d'enfiler une robe de chambre, le président de l'univers narcissique qui s'est capturé lui-même, le black toujours en situation d'urgence, ou encore la terrienne qui semble, comme son compatriote, éberluée par un univers qui dépasse leur entendement (énormes Martin Freeman - le rôle du
Hobbit lui était prédestiné - et Zooey Deschanel, toujours superbes et attendrissants quand ils jouent les paumés).
Bref, c'est de la belle grosse poilade assurée, destinée surtout aux geeks et aux amateurs d'humour british, mais qui recèle une intelligence insoupçonnée qui ne se limite pas à la finesse de ses gags narratifs et visuels, ou à la cohérence réussie de cet univers aux bases pourtant bien barrées et absurdes, grâce à une dimension existentielle venant s'ajouter en arrière-plan qui décape et reconstruit en même temps. Coup de coeur instantané pour ma part, qui donne d'ailleurs envie de lire les bouquins (dans le genre, je ne connaissais que les Terry Pratchett que j'aime beaucoup, c'est du même style pour les amateurs).