Après visionnage, j'ai un sentiment un peu mitigé de ce film, qui a le mérite d'avoir un scénario bien écrit et mature, allant à contre-courant de l'idée que l'on pourrait se faire d'un
blockbuster lambda. Le problème, c'est que le fond manque un peu de subtilité dans le traitement. Ainsi, on va à fond les manettes dans le sens de l'addiction (encore qu'il y a des idées simples et intéressantes comme le coup du frigo), du trauma un peu trop souligné pour le pilote et son amie ex-toxico, et certains personnages qui ne semblent pas dépasser leur fonction (je pense notamment à son ami dealer qui est un peu l'avocat du diable mais du coup incarne trop bien ce cliché dans son apparence et son attitude) pour bien mettre en lumière les contradictions de ce personnage fascinant qui a sauvé la majorité des passagers d'un avion sous l'effet de l'alcool et de la drogue. Erreur mécanique ou responsabilité personnelle, c'est apparemment le sujet du film, mais on va encore un peu plus loin avec la question de l'identité d'un homme qui s'est perdu en chemin (alors qu'il affirme tout le contraire).
La structure du scénario est aussi assez basique, en insistant d'abord sur les zones d'ombre du personnage de Denzel Washington, en finissant sur une note assez conventionnelle de rédemption. Mais là encore, malgré une certaine lourdeur dans le traitement, il y a de bonnes choses, comme la religion abordée de façon assez ambiguë, pouvant tout aussi bien être une manière de s'enfoncer dans le déni ("La main de Dieu") qu'un reflet de l'absence de contrôle (ou de le souligner par contraste), au lieu de la limiter (ce qui est d'habitude la norme) à la prédestination, ou à l'acte de salvation et d'acceptation de ses faiblesses (ce qu'endosse l'amie du pilote, de façon un peu poussive, mais heureusement la qualité de l'interprétation - c'est la (toujours) craquante anglaise de
L'auberge espagnole - et le côté attachant de son personnage permettent de faire avaler la pilule). Le crash de l'avion d'une immersion totale évite également l'écueil du tout spectaculaire, étonnamment sobre mais impressionnant de réalisme, ce qui est la tonalité même du film entier.
Bref, ce film a plus d'une corde à son arc, proposant à la fois un film-catastrophe (évènementiel puis humain), une réflexion paradoxale de l'addiction et de ce qu'est un héros (à travers une image franchement peu reluisante des médias et surtout des compagnies aériennes qui ne pensent qu'à sauver leur cul), et surtout un portrait d'homme, le tout abordé de manière intimiste. Dommage qu'il n'évite pas quelques lourdeurs (traumas un peu trop exagérés, personnages-fonctions, religion qui arrive comme un cheveu sur la soupe - que je trouve cependant fidèle à l'idée que je me fais d'une certaine Amérique, et elle est intéressante par ce qu'elle reflète -) mais le scénario ne manque pas de subtilité, et le casting est très bon, sans fausse note. Sans être ma came (hum, hum), ce film m'a tout de même fasciné par la tournure qu'il prend et les questions complexes qu'il pose, réunies sous le signe du destin (a t-on réellement un contrôle sur sa vie ?).