Phantom of the Paradise, c'est tout simplement mon film préféré.
Un film que j'ai découvert à l'âge de 12 ans et dont découle mon amour du cinéma. Avant ce film, j'étais un spectateur lambda. Après, je suis devenu un passionné, cherchant inlassablement à revivre ce genre d'expériences.
Pourquoi Phantom of the Paradise est-il si unique à mes yeux?
Tout d'abord, pour son scénarios qui fourmille d'idées folles, et ose ellipses narratives (le jugement et l'inculpation traités en un seul plan), scènes délirantes (l'évasion de prison), parodie (la scène de la douche de Psychose revu et corrigée avec une ventouse), personnages caricaturaux (Beef, la star glam rock dans ce qu'elle a de plus ridicule), situations dingues (l'électrocution sur scène d'un des personnages)... Le scénario mêle en un ensemble cohérent les mythes de Faust, de Dorian Gray et du Fantôme de l'Opéra pour constituer un conte tragi-comique qui narre les déboires d'un auteur dépossédé de son oeuvre. Un film faisant preuve du romantisme le plus pur lorsqu'il décrit un fantôme transi d'amour prêt à se sacrifier pour celle qu'il aime, mais également une charge satyrique contre l'industrie musicale (et par extension, cinématographique), où règne la corruption, où un producteur peut mettre fin à la carrière d'un artiste d'un claquement de doigts, où la mort d'un artiste sur scène devient spectacle... Le film regorge de passages mémorables dont les moindres ne sont pas celui où le fantôme observe Phoenix et Swan depuis le toit de sa maison, la mort de Beef, la défiguration de Winslow, la découverte par le fantôme qu'il a été emmuré vivant, la scène de la douche, la recréation de la voix de Winslow, l'explication des pouvoirs de Swan...
De Palma utilise un large éventail de techniques cinématographiques pour visualiser cette histoire: accéléré (l'évasion dans un style proche du muet), split screen (la scène où Winslow observe Phoenix et Swan faisant l'amour tout en étant observé par ce dernier), travelling circulaire à 360 degrés (en un plan de Winslow au piano, tout est dit sur la solitude de ce personnage), plan séquence à la grue (en hommage à la Soif du Mal), caméra à l'épaule (suite à la défiguration, ou la cavalcade finale du fantôme dans les couloirs du Paradise), montage (la composition de la cantate avec l'horloge qui défile), caméra subjective (l'arrivée du fantôme au Paradise, entre autres), contre-plongées extrêmes (le passage avec les deux flics)... Une mise en images brillante qui vient renforcer la singularité et la force de l'intrigue.
On reconnaît des thèmes et motifs du cinéaste, notamment le voyeurisme ou la manipulation, les références cinématographiques (Hitchcock bien entendu, Le Cabinet du Docteur Calligari ou Frankenstein), mais aussi dans l'utilisation de la couleur rouge, que ce soit dans les décors ou dans les éclairages, qui interviennent à plusieurs moments-clés dans la descente aux enfers de Winslow ou pour souligner le caractère méphistophélique de Swan. De Palma fait de ce personnage une espèce de lutin dont il retranscrit la toute-puissance dès le prologue avec la voix-off de Rod Serling ou l'introduction avec l'utilisation de la caméra subjective alliée à une plongée, soit bien avant qu'on ne voie pour la première fois physiquement. Un personnage dont on devine les intentions maléfiques derrières les lunettes fumées. L'utilisation d'une musique inquiétante participe également à l'aura maléfique qui s'en dégage.
La musique, justement. Contrairement à l'idée répandue, je ne considère pas PotP comme un musical. Certes, la musique y tient un rôle prépondérant et il contient de nombreux passages chantés, mais ceux-ci sont clairement définis comme des représentations scéniques, dont certaines viennent apporter un commentaire sur l'industrie musicale. PotP bénéficie des superbes compositions de Paul Williams (qui interprète Swan à l'écran), aux styles variés: rock 50's, surf, ballade, metal... des compositions tour à tour mélancoliques, romantiques ou énergiques. Une BO qui a beaucoup tourné (et continue de tourner) sur mes platines.
Au casting, on trouve des acteurs d'autant plus identifiés à leur rôle qu'ils feront peu ou pas carrière par la suite: William Finley en grand benêt solitaire puis en fantôme rageur ou romantique, Jessica Harper en Phoenix mélange de fragilité et de détermination, George Mnemoli en âme damnée de Swan ou bien Gerrit Graham qui livre une prestation savoureuse en caricature de rock star.
S'il fallait reconnaître un défaut au film, ce serait dans son final qui met trop l'emphase sur le chaos au détriment du drame, le concert se transformant en une espèce d'happening mélangeant mort et spectacle, perdant de vue les personnages. Une faute de goût heureusement rattrapée par l'ultime plan, tragique et émouvant, sur Phoenix et Winslow. Et le film de se conclure de bien belle manière sur un générique qui reprend les meilleures scènes du film accompagné par le magnifique "The Hell of It", puis sur une image du Fantôme composant inlassablement sa mélodie, son esprit hantant à jamais le Paradise...
Plus de 22 ans après l'avoir découvert et après de multiples visionnages, j'ai enfin eu l'occasion de voir Phantom of the Paradise en salles. Que dire, si ce n'est que le plaisir a encore été au rendez-vous. Car Phantom of the Paradise, c'est 1h30 de métrage plein comme un oeuf, un formidable bouillonnement d'énergie créatrice, un film dont je ne me lasse pas malgré que je le connaisse par coeur... Un pur chef d'oeuvre!