Un excellent polar porté par un casting impeccable.
Pour sa première réalisation, Ben Affleck a réuni une jolie troupe d'acteurs.
Son frère Casey, d'abord. A la lecture des romans, on imagine un Patrick Kenzie plus buriné, Affleck paraissant trop jeune, mais sa prestation est vraiment excellente, restituant à la fois l'intensité et les doutes du personnage (le fait que ses décisions ont des conséquences et qu'il devra vivre avec, c'est un aspect très bien rendu dans le film), si bien qu'au bout d'un moment on oublie son physique. Malgré sa frêle silhouette, il s'avère même convaincant dans les face-à-face avec des adversaires massifs et il tient la dragée haute à des acteurs plus expérimentés comme Ed Harris ou Morgan Freeman.
Le personnage d'Angie est, par contre, beaucoup trop effacé pendant la majorité du film. Elle n'existe que l'espace de deux scènes: au début, lorsqu'elle annonce à Patrick qu'elle ne veut pas retrouver d'enfant mort dans une benne et à la fin lorsqu'elle s'oppose au choix de Patrick. A part ça, elle fait de la quasi-figuration. Le personnage de Bubba est, lui aussi, beaucoup moins mémorable (euphémisme) que sur le papier.
Sinon, le reste du cast, c'est du solide, notamment Ed Harris charismatique en diable dans le rôle de Remy Bressant et Amy Ryan en mère toxico irresponsable. Ils forment une belle galerie de personnages qu'on imagine blessés par la vie (un sentiment renforcé par le dialogue où Freeman dit à Patrick qu'il doit avoir vécu avant de venir lui faire la morale).
Mes souvenirs du livre étant lointains, je ne vais pas jouer au jeu des comparaisons. Affleck s'appuie sur une intrigue solide: le rythme est soutenu, on ne s'ennuie jamais et, malgré la multitude de personnages, il arrive à rendre l'ensemble limpide. Il fait même une bonne utilisation des flashbacks à la fin: rapides, mais permettant de visualiser les explications plutôt que les entendre. L'intrigue devient de plus en plus prenante au fur à mesure qu'elle avance et évite le happy end de rigueur, la fin du bouquin ayant été conservée, avec malgré tout un épilogue rajouté qui donne une lueur d'espoir. J'aime bien la façon dont cette enquête policière a priori classique va aboutir à un questionnement quasi-philosophique sur l'impact de l'environnement dans lequel on a grandi et la notion de parentalité.
Une bonne partie des réparties humoristiques qu'échangent Patrick et sa partenaire chez Lehane manquent à l'appel. Seuls les deux inspecteurs ont droit à des répliques fort drôles (notamment, celle où Rémy confronte Helene à propos de Cheese : "
He's a violent sociopathic Haitian criminal named Cheese. Either you know him or you don't"
). Vu la nature sensible du sujet traité, c'est compréhensible qu'il ait souhaité réduire au minimum les touches d'humour, mais on y perd le côté haut en couleurs de certains personnages et situations.
Affleck filme très bien Boston et restitue à merveille l'ambiance des quartiers défavorisés où se déroule une bonne partie du métrage, notamment en juxtaposant acteurs professionnels et figurants. Sa ville natale est bien mise en valeur que ce soit lors du prologue ou des nombreux plans où les personnages sont filmés avec la ville en arrière-plan. Il rend certaines scènes bien glauques (chez Cheese, la crack house). Les passages plus mouvementés sont tout autant réussis, que ce soit la descente chez les drogués/pédophiles, le passage dans le bar et la poursuite qui s'ensuit, ou celui dans la carrière où il restitue bien l'urgence de la situation. La violence est filmée de manière sèche, jamais stylisée. Le film propose quelques idées de mise en scène sympas, comme le plan qui suit Patrick après le début de la fusillade dans la crack house, ou les fondus au noir quand il découvre ce qui arrivé au gamin.
Un premier essai cinématographique plus que convaincant donc, qui sera transformé avec The Town et (dans une moindre mesure) Argo.