Blood diamond, Edward Zwick (2006)
Edward Zwick est un réalisateur que j'apprécie beaucoup. Quatre films seulement (avec Glory, et surtout Légendes d'Automne et Le dernier samouraï), suffisent pour se tailler une place de choix dans le ciné d'aventures digne des fresques historiques de David Lean, avec une photo qui capture de magnifiques paysages, un souffle romantique et épique qui s'en dégage, et une très bonne direction d'acteurs. On le lui reproche souvent d'ailleurs ce sentimentalisme, mais il n'oublie pas pour autant de souligner la contradiction de ses personnages qui vivent eux-mêmes dans un monde complexe gouverné essentiellement par les intérêts.
Il nous offre ici son récit le plus riche et le plus ample, surtout dans sa première partie où on nous bombarde d'informations sur la réalité géo-politique de l'Afrique autour de ce trafic de diamants, avec des habitants qui en paient le prix, et un cercle vicieux qui conscientise le rôle de chacun, de la base (les rebelles africains) jusqu'à son point d'arrivée (le consommateur), en passant par les distributeurs. Certes, les personnages paraissent souvent archétypaux avec le bon Africain qui souhaite seulement protéger sa famille, le mercenaire/trafiquant qui ne vise que son propre intérêt, la journaliste qui est une idéaliste en conflit avec son pragmatisme (il faut bien vivre), ou encore les chefs militaires qui sont tous mauvais, peu importe leur bord. Mais il s'agit d'un sujet rare au ciné, difficile à traiter, et Zwick s'en tire plutôt bien, malgré des incohérences et facilités narratives, pour offrir un bel équilibre entre film à visée politique et récit d'aventures au fond humaniste.
Une autre grande réussite, à part la densité de cette histoire et son ambiance (avec une générosité de détails sur la vie des africains et leur environnement, et une superbe musique de James Howard qui mêle rythmes éthniques et souffle romanesque), c'est la performance des acteurs. Di Caprio s'éloigne pour la première fois de ses rôles de jeune adulte, et apporte une véritable profondeur à son personnage torturé par ses contradictions, à la fois cynique, utilitariste, et dangereux (on y croit durant ses scènes d'action, très efficace et sans chichi), mais aussi finalement une victime du monde et de son passé traumatique. Bien que son évolution soit un peu abrupte, il parvient à la rendre touchante (ce final c'est vraiment du Zwick, on aime ou pas, mais il est très fort pour souligner les sentiments, l'émotion du moment). Au fond, la raison d'être du film est toute simple, symbolisée par ce maître d'école utopiste tiraillé entre son coeur (en principe, les hommes sont intrinsèquement bons) et sa raison (son expérience lui enseigne le contraire).
Deux autres belles prestations. D'abord celle de Jennifer Connely, toujours aussi charmante en journaliste qui use d'ailleurs de ses atouts pour parvenir à ses fins, avide d'un sujet en or, mais qui se révèlera plus complexe en brisant cette superficialité apparente par son engagement envers la cause africaine. Puis celle de Djimon Hounsou (son meilleur rôle avec Gladiator) qui livre un beau contrepoint à Di Caprio en incarnant ce père de famille qui garde sa simplicité, sa droiture, et sa naïveté jusqu'au bout, peu importent les horreurs qu'il affronte avec son fils (permettant une plongée dans la réalité de ces enfants-soldats, de leur manipulation psychologique). Beau final d'ailleurs avec ce qui devient un buddy-movie à mi-parcours, sacrifiant légèrement la complexité de l'intrigue au profit d'un récit d'aventure de dimension avant tout humaine, où l'émotion et les sentiments prennent peu à peu le dessus sur les intérêts égoïstes (de toute beauté ce plan symbolique sur le rachat du trafiquant).
J'ai toujours eu du mal à départager les films de Zwick tant je les j'apprécie pour différentes raisons, mais en me basant sur les mêmes qualités (casting, musique, contexte, photo, place des sentiments, etc.). Et avec Peter Weir, je trouve qu'il représente un peu ce qu'il s'est fait de mieux dans le genre historique/épopée humaine/romanesque depuis ces deux dernières décennies. En bref, une belle oeuvre au contexte fort et engagée.