![Image](http://monsieurjackpresents.files.wordpress.com/2014/02/bullitt2.jpg?w=640&h=383)
⌲ BULLITT (1968)
de Peter Yates avec Steve McQueen, Jacqueline Bisset, Don Gordon.
Histoire: Bullitt, un lieutenant de police, est chargé par un politicien ambitieux de protéger Johnny Ross, un gangster dont le témoignage est capital dans un procès où est impliqué l'homme politique. Malgré les précautions prises par Bullitt et ses hommes, Ross est grièvement blessé, puis achevé sur son lit d'hôpital. Bullitt s'aperçoit alors que la victime n'était pas le vrai Ross...
Unique, vibrant, parfait.
Précurseur du film policier urbain contemporain, Bullitt est avant tout un condensé de pudeur, de maitrise muette, qui à l’image de Steve McQueen, brille par son aspect posé et réfléchi mais surtout passionne par sa brutalité impromptue, comme l’éruption soudaine d’un volcan brulant des vies par la visqueuse violence émanant de ses pores. Porté par un scénario brillant de Alan R. Trustman se reposant lui-même sur le roman de Robert Fish, Mute Witness, Bullitt impose tout de suite sa patte et forge son originalité dans la lenteur voulue de cette intrigue au coeur ardent qui bat à son rythme mais dont les tissus s’étendent le long de séquences mythiques pour au final raisonner au sein de la figure centrale du film: le détective Bullit, sorte de grand renard aux yeux bleus au caractère tempéré mais aux principes bien forgés. En quête de justice, ce personnage passionnant, uniquement relié au monde par sa petite amie, va tourner le dos à ses principes de vie et se confronter à l’injustice d’un univers qui le dépasse pour au final faire face à son propre reflet, celui d’un homme perdu entre son intégrité de flic et sa nature humaine. Autant le dire tout de suite: sans Bullit, il n’y aurait sûrement pas les plus grands policiers de ces quarante dernières années. Que ce soit Dirty Harry bien sur mais plus récemment Heat (par sa science du cadre et par la variété folle de ses prises de vue), Drive (pour le côté volcanique du personnage principal et du récit minimaliste cachant sa richesse) ou même le James Bond de Daniel Craig (le regard de félin et la malice de cet homme qui ne tombe jamais dans le cynisme ou la noirceur), il faut simplement contempler le film pour percevoir ses innombrables influences.
Car s’il faut commencer à expliquer la singularité de Bullitt, il faudrait démarrer par sa quête du réel. Nous sommes dans le vrai (décors extérieurs, sons naturels), pas dans un univers fantasmé faits de faux raccord en carton et où les méchants meurent sans une goutte de sang. Non, ici l’impact de balle est visible et le sang gicle, l’arme fait du bruit et des dégâts. Après l’attaque, le blessé ne meurt pas en plissant le cou mais sur la table d’opération d’un hôpital pendant deux bonnes heures. Il y a de vrais séquences de vérité troublantes où nous, spectateurs, sommes expulsés du monde diégétique, emprisonnés dans cette réalité quotidienne, celle d’un médecin tentant de réanimer un flic blessé par un fusil à pompe, cloitré derrière une fenêtre et sourd d’une discussion qui ne nous est pas accessible, ou bloqués entre les musiciens d’un restaurant couvrant l’action des personnages principaux. Car Bullitt n’a pas peur du vrai, et donc du silence, voir de la perte d’un de ses sens. Surement car le récit a confiance en sa capacité à laisser s’égarer le spectateur pour ensuite mieux le saisir lorsque la deuxième vitesse est passée. Exemple parfait avant cette scène de filature au bout d’une heure de film qui se transforme en une séquence magistrale de course poursuite en voiture, à ras le bitume et tellement près des moteurs qu’on croirait assister à la course entre deux guépards rugissants après une proie invisible. Là encore, la grande force visuelle repose sur la multiplication des points de vue. Nous sommes partout à la fois, mais nous ne sommes pas le détective qui lui est doté de sa propre identité capable d’influer sur les autres sans besoin de notre complicité. En bref, Bullitt est un film de deux heures passionnant de bout à l’autre, en symbiose parfaite avec le personnage éponyme qui puise sa force dans l’interprétation sublime de McQueen, mais pas que. C’est tellement plus qu’un simple film, c’est un mythe.
9/10