Polar urbain à l'esthétique 80's clairement assumée (photo et musique),
To Live and Die In LA ne se contente pas d'appliquer les codes du genre, mais sur la base d'une simple et classique opération d'infiltration et de pistage de réseau de faux billets, Friedkin dote son film d'une atmosphère dérangeante, inquiétante, et crépusculaire. On retrouve ici le réalisme docu' de
French Connection, tout en le contaminant des filtres fluorescents et agressifs confinant au voyeurisme de
Crusing, qui soulignent ainsi la transgression à l'oeuvre dans cette pellicule rageuse où la frontière entre bien et mal est sans cesse perturbée.
A part Michaël Mann, rares sont ceux qui parviennent aussi bien à rendre la ville autant inquiétante et qu'attractive. Mais j'ai aussi eu un peu de difficulté à rentrer dans l'intrigue que je n'ai pas toujours trouvée limpide, avec des personnages principaux qui m'inspirent peu d'empathie. C'est le genre d'oeuvre qui, à l'image de son esthétique, ne prend pas le spectateur dans le sens du poil, et il faut du temps pour l'apprécier totalement dans ses intentions. D'autant plus que Friedkin est malin, et brouille les pistes comme au début de la rencontre du faussaire et de sa copine, qui de dos ressemble à un homme. De la même manière, les dialogues regorgent de petits double-sens qui m'ont légèrement sorti du film, renvoyant à ce sentiment d'implosion qui guette les protagonistes.
Le personnage principal, j'ai donc un peu de mal. Sorte de tête brûlée antipathique qui sous prétexte de retrouver le faussaire, veut venger la mort de son ami, et exploite ainsi tous les moyens à sa disposition. On ne ressent que froideur chez lui, ce qui est dans le ton du film puisque c'est une manière de montrer qu'il n'y a plus trop de différence avec son adversaire, donnant lieu à des scènes franchement vénères et explicites avec des impacts de balle qui font très mal et une course-poursuite aussi dantesque que celle de
French Connection. Face à lui, Willem Dafoe assure en artiste maudit reconverti en faussaire (avec une très belle intro sur la conception des faux billets) prêt à brûler ses oeuvres inaccomplies (le dénouement prend tout son sens en se rappelant de cela). Pour finir avec le casting, le choix d'actrices au corps androgyne n'est pas anodin, sûrement une autre façon de toucher le fond vicieux et ambigu des personnages.
Malgré ma demie déception, je reconnais là une oeuvre fascinante et singulière qui sublime le genre (notamment grâce à son atmosphère crépusculaire et agressive, et sa représentation nihiliste d'une époque où le fric pourrit tout le monde), à laquelle je n'ai pas complètement adhéré pour ces mêmes raisons. Je le reverrai peut-être à la hausse avec le temps, et je suis déjà content d'avoir pu découvrir cette référence du polar qui avait traîné sur mes étagères depuis (trop) longtemps.