Un bon petit polar urbain à la gloire des flics du Ghetto qui met l'emphase sur les patrouilles (un genre peu exploité au ciné). Et pourtant j'ai mis un peu de tant à adhérer au film, gêné par la manière dont son concept-vendeur a été introduit, à savoir la caméra embarquée. Pourtant, ce choix de mise en scène est pertinent tant il rend proche ces deux policiers et leur milieu, les humanise, et permet l'empathie à leur égard. L'intrigue s'y prête d'ailleurs beaucoup avec des passages très réalistes, criants de vérité, où on nous partage leurs missions souvent banales, leurs délires, leur amitié forte de co-équipier, ou encore leurs montées d'adrénaline durant leurs interventions. Mais le problème, c'est que l'utilisation de ce principe est parfois bancal, avec des retours à une mise en scène plus classique, et surtout des incursions chez les gangsters (bien caricaturaux au passage) qui n'ont rien à faire là sinon pour bien nous faire comprendre l'enchaînement des évènements vers le drame humain, alors qu'il aurait été bien plus intéressant, immersif, et percutant de moins se départir du point de vue de la caméra des deux policiers. Il faut donc un peu de temps pour s'habituer à ce choix légèrement bancal et intégrer ces petits égarements, afin de profiter pleinement d'une histoire qui n'a rien d'extraordinaire en soi, mais qui a cette grande force de nous plonger au coeur du quotidien de ces forces de l'ordre qui, derrière leur badge, sont d'abord des hommes avec ce que tout cela représente.
Et justement l'autre point fort du film, c'est l'écriture des personnages et de leurs dialogues. Ceux-ci reproduisent de manière convaincante le parlé du Ghetto, portés des acteurs bluffants de naturel qui nous permettent d'y croire vraiment. Si la dynamique du duo principal permet de faire avancer l'intrigue un poil artificiellement lorsqu'on y repense, d'un autre côté ce défaut est bien compensé par leur alchimie et des personnalités plus qu'étoffées. On les voit pris par les évènements, et s'ils deviennent des héros, c'est presque par hasard, en suivant leur instinct. Incarnant tous deux des flics moyens, Jake Gyllenhaal se distingue un peu par la façon dont il se la pète sur le terrain mais sans être un mauvais bougre, juste inconscient du danger vers lequel il s'approche en faisant le détective, tandis que Michael Peña est d'abord un homme doté de principes (ce qui ne l'empêche pas de déconner avec son pote entre deux missions) avant d'être flic, le rendant d'autant plus attachant et aura son importance pour le dénouement. Enfin les fusillades sont rares mais claquent bien, avec des vues subjectives ou une caméra près des corps ou visages très efficaces, qui encore une fois nous plongent au coeur de l'action. La limite de cet exercice de style, c'est qu'on se désintéresse presque totalement des gangsters, traités au second plan, mais ce n'est pas trop un problème en raison du point de vue assumé du film.
End of Watch, c'est donc du polar urbain filmé à hauteur d'homme et de bitume, plongée humanisante au coeur de la vie de ces flics parfois ingrate et difficile, mais qui nous partage aussi ces "petits rien" (comme leur vie familiale) nous permettant de nous attacher à eux, avec une fin qui retourne bien le ventre. Si le concept de mise en scène atteint parfois ses limites et vire au gadget "m'as-tu vu", l'émotion finit par l'emporter.