[Dunandan] Mes critiques en 2014

[Dunandan]

Halloween, Rob Zombie (2007)

Avec Rob Zombie, connu pour ses bobines énervées et son amour inconditionnel pour le cinoche de genre sans concession et débordant de folie, on pouvait difficilement se tromper en lui laissant les commandes pour adapter le Masterpiece de Carpenter. Sans prétendre dépasser l'original, il lui rend superbement hommage en récupérant ce qui faisait son essence, tout en se l'appropriant complètement. D'abord en s'intéressant à l'enfance (comme un Begins de film de super-héros) et la famille du psychopathe Michaël Meyers, portrait craché de celle du diptyque House of 1000 corpses - Devil's Rejects. Sans livrer tous les secrets sur l'origine du mal, on fournit un environnement psychologique malsain qui met en perspective l'énergie qui le ronge de l'intérieur, et va exploser par la suite. Mais avant d'illustrer cette folie par des scènes macabres comme la torture d'animaux, elle s'incarne avant tout par le regard de ce gamin, froid et dérangeant, tête blonde dénuée paradoxalement de toute innocence. Ce qui rend d'autant plus forte la séquence de massacre familial qui marque le tournant du film. Cette dernière est mise en scène de manière glauque mais sans surenchère, grâce à une très bonne utilisation du hors-champ, sans oublier de livrer assez de détails croustillants pour satisfaire nos instincts primaires.

La seconde partie diffère aussi beaucoup de l'original, d'abord en expurgeant l'aspect fantastique du personnage, puis en dotant Michaël d'un putain de masque décrépi (l'explication, sans verser dans la psychanalyse pompeuse, est vraiment terrible, et ne fait que souligner la noirceur de sa psyché), et enfin son apparence, désormais baraqué comme un gros golgoth. Mon petit bémol, c'est la mise en situation de ces connards de gardiens de son asile (faut toujours qu'il y en ait) qui forcément vont l'énerver (et pas qu'un peu). Mais bon, si on aime ce genre de film, ça fait partie du jeu (et d'ailleurs on explique assez intelligemment la raison de ce genre de bêtise fatale), et la réponse qui s'ensuit est juste jouissive, terminant de lui enlever toute once d'humanité. On termine enfin en beauté là où a commencé l'original avec une traque à l'homme. Classique mais efficace, cette dernière livre la marchandise en termes de boobs de jeunes (presque) puceaux écervelés, lesquels vont rencontrer le courroux de Michaël (séquences non moins généreuses) qui file une belle tension au spectateur, avec des personnages maltraités comme pas possible, mais sans jamais, encore une fois, verser dans la violence gratuite (d'autant plus que la force du film est de justifier sa seconde partie par la première).

Bref, j'apprécie de plus en plus les oeuvres de Rob Zombie, qui brandie avec force ses références tout en l'intégrant à sa personnalité rock'n roll, avec notamment une excellente utilisation de la musique (et des silences), une caractérisation bien particulière des personnages, et une mise en scène esthétique (j'ose employer le terme) du glauque. De plus, ce premier Halloween montre qu'il est capable d'une certaine retenue sans pour autant se renier, afin de rendre son cinéma plus accessible, ce qui est tout à fait respectable. Me tarde de redécouvrir son second opus qui, si je me rappelle bien, explore d'une autre façon l'impact du trauma familial sur la psyché de Michaël.

[osorojo]

Well done Dun', totalement d'accord Une réappropriation très personnelle d'un film qui avait déjà beaucoup d'identité, c'est la marque d'un mec qui a bel et bien son univers, auquel aucun autre ne ressemble

[Dunandan]

Delicatessen, Jean-Pierre Jeunet (1991)

Une pépite atypique du cinéma français dont je me délecte toujours autant vision après vision. Se déroulant dans une France post-apocalyptique (mais l'intérieur des appartements tient plus de la vieille France des années 50), cette histoire sombre et loufoque entre voisins évoluant au sein d'un immeuble décrépi est d'abord un enchaînement d'idées de mise en scène, faisant appel à des interactions de tous genres entre les étages via les tuyaux d'eau. Un concept bête comme ça, mais génial car il permet tout plein de situations poétiques, décalées, et osées (faire battre la mesure à chacun comme dans un orchestre musical à partir d'un acte sexuel sur un lit grinçant, ou exhiber les techniques tordues d'une accro aux tentatives de suicide, il fallait le faire). Avec ce film Jeunet & Caro réinventent le cinéma de genre à la française, oeuvre inclassable qui transforme une situation dramatique et inquiétante (le trafic de viande humaine qui répond au rationnement, et la guerre entre boucher et pro-légumes) en quelque chose de complètement "autre", mené par une étrange et belle histoire d'amour entre un clown et une musicienne. Malgré ses défauts évidents (des personnages parfois sous-caractérisés mais toujours mis en valeur visuellement), voilà un petit chef d'oeuvre de poésie et d'humour noir bien de chez nous, conduit par des acteurs qui ont des faciès pas possibles collant très bien à l'esprit cartoon qui domine cette toile d'exception.

[Dunandan]

Well done Dun', totalement d'accord Une réappropriation très personnelle d'un film qui avait déjà beaucoup d'identité, c'est la marque d'un mec qui a bel et bien son univers, auquel aucun autre ne ressemble

C'est d'autant plus vrai si on connaît ses deux premiers films. Je les avais découverts après Halloween donc c'était passé un peu inaperçu, mais maintenant sa signature se révèle trop évidente à mes yeux (en premier lieu la famille de chtarbés à Michaël)

Sinon tu as tenté son dernier ? J'ai un peu peur de celui-là (mais bon il va quand même passer à la casserole vu que je l'ai en stock). A part Angel, tout le monde semble l'avoir rejeté

[osorojo]

Je l'ai sous le coude, mais ouais, je sais pas pourquoi j'ai pas encore trouvé la motive de le lancer. Angel a apprécié, mais il a été clair dans sa critique, c'est atmosphérique, vachement contemplatif à priori, si je me rappelle bien ses propos. Enfin, moi aussi je suis fan du bonhomme, je le tenterai un de ces quatre ^^

J'ai toujours pas vu son DA non plus d'ailleurs !

[Dunandan]

Halloween II, Rob Zombie (2009)

Après un remake qui est certainement le meilleur du genre depuis que cette mode a explosé (Massacre à la Trançonneuse, La colline a des yeux ...), Rob Zombie ayant tout simplement transfiguré l'exercice en s'appropriant complètement la mythologie avec son style unique, il nous revient avec une suite que je revois sensiblement à la hausse, qui complète à merveille l'expérience du premier Halloween. Après s'être un peu retenu dans les effets gores dans ce premier essai, il se lâche bien plus ici, en nous plongeant littéralement dans un cauchemar éveillé dès la première séquence, avec une série de détails bien poisseux et sans concession. En dépit de ce revirement dans la surenchère, j'ai trouvé en fait ce second opus plutôt cohérent, car il explore davantage une piste oedipienne qui était déjà présente, mais plus suggérée qu'autre chose. Même si le rendu est parfois bancal, on ne peut saluer que l'effort atmosphérique à nous faire rentrer dans la tronche torturée de Michaël, en lien télépathique avec sa soeur et sa mère décédée.

J'ai été réellement transporté par cette manière de mettre en scène de ce qui est en fait une véritable tragédie familiale, tant du côté de Michaël que de sa soeur, qui portent d'ailleurs encore les stigmates de leur violente séparation. La grande force du film est d'avoir fait un mixte entre Slasher movie et Boogeyman, Myers étant devenue une ombre de lui-même, un pauvre clochard barbu, devenant peu à peu plus réel, au fur et à mesure qu'il refait surface à la ville de sa soeur, non sans parsemer son chemin de victimes d'une façon plus barbare que jamais. Une manière de rendre hommage à la dimension mystique de l'original. Mais qu'on ne se trompe pas, car ses visions permettent d'insister sur la figure bien humaine de Myers, hanté par la figure de sa mère et son désir de réunir sa famille. Et sacrilège pour les fanatiques de la saga, on aperçoit son visage non moins torturé que ce que suggère son masque. Ce film est aussi une critique bien acide de l'exploitation du sensationnalisme, le psychiatre de Michaël étant devenu une sorte d'écrivain célèbre et cynique qui exploite le phénomène Myers sans penser aux conséquences malsaines que cela peut causer.

Par contre, Rob Zombie va parfois un peu fort dans l'évolution des personnages où il nous impose plus que jamais sa vision d'une jeunesse délurée qui profère des "fuck" toutes les dix secondes. Ainsi, la soeur de Myers est devenue une hard-rockeuse totalement "fuck up" qui a transformé sa chambre en sorte de squat, et ses amies sont toutes du même genre. Elles nous conduisent ensuite à un étrange changement de tonalité avec cette fête nocturne Halloween glam-rock. Une esthétique décadente qui ne m'a pas déplu, mais je me suis juste demandé ce que ça foutait là. Le psychiatre également subit un revirement bien soudain, passant d'une figure de père de substitution qui portait une certaine culpabilité pour son échec avec son patient, en profiteur égoïste d'un phénomène sensationnaliste. Et tous les autres personnages suivent le même registre, excepté le shérif ayant adopté la soeur de Myers, qui apporte un équilibre intéressant d'humanité à sa famille décomposée, et qui rappelle que le fond de ce film tient plus du drame familial que du pur slasher.

Ainsi, malgré des parti-pris esthétiques ou narratifs parfois choquants, ce Halloween II est loin d'être une suite inutile, et Rob Zombie nous confirme, une fois de plus, qu'il est l'un des réalisateurs actifs du film d'horreur à suivre de près. Car ce film n'est pas qu'un simple déballage de violence gratuite. Non seulement il porte le gore et le macabre, par sa mise en scène et son boulot sur l'ambiance (ces effets de lumière durant les visions de Michaël !), à un certain niveau d'art. Mais aussi, malgré quelques maladresses, il déploie certains niveaux de lecture fascinants autour de la figure du boogeyman Myers, transformé en pauvre figure humaine frustrée d'amour, qui ne cherche au fond qu'à réconcilier sa famille par delà la vie et la mort (étrangement, cette attirance horreur/amour familial m'a pris aux tripes).

[Pathfinder]

Approved total pour tes deux critiques d'Halloween!

[Dunandan]

Field of dreams, Phil Alden Robinson (1989)

Une histoire vraiment spéciale, et je m'attendais un peu à autre chose, plutôt un film uniquement sur le base-ball, mais c'est bien plus que ça. Magnifique parabole sur les rêves et les ambitions folles qui ne demandent qu'à se réaliser, se déroulant dans le cadre charmant des campagnes de l'Iowa, ce film déjoue constamment nos attentes, jouant d'abord avec notre crédulité et notre capacité à voir la magie. Le personnage de Kevin Kostner, qui s'est installé avec sa famille pour devenir fermier, est un mec entendant des voix dans son champ qui lui suggèrent de faire des choses insensées comme construire un terrain de base-ball, au risque de perdre sa propriété. Simple lunatique ou écoute-t-il seulement la voix de son coeur ? Les deux pistes sont possibles.

Dans sa seconde partie, le film est à cheval entre road-movie et fantastique (ce qu'il était déjà un peu au début), puisque ces mêmes voix le poussent à faire des rencontres toutes liées au base-ball, qui incarnent des âmes du passé ou du présent dont les rêves ou ambitions ont été arrêtés pour différentes raisons. Ce qui m'a plu durant ces passages, c'est que peu importe la place culturelle du base-ball, puisqu'ils représentent une manière universelle et contagieuse de faire rédemption, de faire pousser des ailes aux personnes qui n'en ont plus, et de faire le lien entre les générations. Encore une fois, il ne faut pas trop rationaliser, mais laisser la magie opérer pour dépasser l'incrédulité.

Le rythme est très posé, paisible, avec une photographie qui met en valeur ces environnements pour de bonnes raisons, rendant hommage à ce qui est considéré comme l'Amérique profonde. La musique de James Horner est du même calibre, préfigurant en quelque sorte le souffle romantique des Légendes d'automne. Le casting est vraiment sympathique, surtout la famille à Costner, avec la gamine mignonne et pas énervante, et la femme qui a ce petit grain de folie qui va permettre à son mari de vivre son rêve jusqu'au bout malgré les risques encourus. Le dénouement final, on peut l'interpréter de plusieurs façons, mais ce petit mouvement de caméra vers la maison familiale me permet de penser que le rêve est déjà ici et maintenant, qu'il suffit de le réaliser.

En somme, ce film est plus riche qu'il en a l'air empruntant plusieurs chemins à la fois, mais sans perdre sa cohérence en s'arc-boutant sur cette petite voix qui nous dit d'aller jusqu'au bout sans trop rationaliser la chose. Finalement, je n'ai pas vu beaucoup d'histoires comme celles-là qui incarnent aussi bien une certaine vision du rêve américain sans le nommer ainsi, loin d'être conventionnelle (au contraire on remet en question de manière plus ou moins implicite le capitalisme, le puritanisme, et l'ignorance des Américains de souche). Un véritable hymne à l'âme d'enfant qui doit persister au fond de nous-mêmes, et surtout, lorsqu'on se croit en sécurité. Un antidote contre l'immobilisme qui devient paradoxalement un hymne à ce qui est plus essentiel que tout et réside parfois juste à côté de nous.

[Dunandan]

:super: Approved total pour tes deux critiques d'Halloween!

Merci Path'

Me reste plus qu'à découvrir son dernier film (pas vu son DA par contre, mais bon indisponible en médiathèque), à la fois impatient et inquiet ...

[Heatmann]

Field of dreams , un film unique et puissant , beau , tout est la , une idee de la perfection concretiser

[Dunandan]

Merci Heat

J'ai pensé aussi à du Spielberg sans effets spéciaux. Vraiment un film qui m'a touché, à l'écriture très originale et subtile, et qui explore beaucoup de thèmes universels sans perdre sa simplicité. Mon idéal du film familial .

[Mark Chopper]

Mon idéal du film familial .

Apparemment, ce n'est pas Kick Ass

[angel.heart]

[Dunandan]

Et pourtant j'aurais bien aimé (déjà que ma femme déteste Kill Bill, le premier film qu'on a vu ensemble d'ailleurs )

[Mark Chopper]

Tu es long à la détente là

Je te suggère d'éditer ta critique avant que ta femme ne la voit