Rushmore de Wes Anderson (1998) - 8/10
Avec Rushmore, Wes Anderson définit aux yeux de tous, son style très particulier. Il est un esthète de l’esthétique, une sorte d’artilleur du bon gout visuel sans que cela ne devienne jamais pompeux, s’appuyant sur de très nombreux travellings simples mais efficaces et sur un aiguillage de l’espace quasi géométrique. Derrière cette qualité graphique, ce montage sans fausse note, le réalisateur n’en oublie pas de nous raconter une histoire drôle et terriblement touchante d’un élève qui adore son école de Rushmore, avec son allure de délégués de classe à binocle et son phrasé un peu guindé, boulimique d’associations et d’imagination scénaristique par le biais de représentation théâtrale, et qui tombe sous le charme d’une professeure. Tout va basculer quand celui-ci va apprendre qu’elle est tombée amoureuse de l’un de ses amis Mr Herman Blume. Ici l’osmose est parfaite entre humour d’une finesse burlesque attachante et recueil déchirant des maux de l’adolescence (la perte d’un proche, l’amour, la folie aveuglante). Tout est écrit avec élégance mais est éclairé d’une sincérité drolatique, ponctué de dialogues savoureux notamment entre lui et sa professeure. Wes Anderson dépeint le destin du jeune Max Fischer qui rencontre les difficultés du passage de la vie adolescente à celui du monde des adultes. Ce révolutionnaire des bacs à sable, un peu loufoque et désaxé, est superbement interprété par le surprenant Jason Schwartzman. Si cette petite comédie peut paraître un petit peu légère, c’est surtout le traitement du récit qui tient en haleine. Cet univers de cinéma indépendant un peu dandy, cette bande son indie magnifique, laisse libre cours à tout un panel de personnages extrêmement bien écrits, à l’image de celui joué par Bill Murray, homme riche aux bords du divorce et père de deux abrutis finis. Sous cette couche de légèreté, se cache un film poignant, à la folie douce euphorisante, peignant avec compassion et avec un certain vent de fraîcheur, le portrait d’individus laissés sur le bas-côté de la route, qui n’ont que pour seule envie, celle de voler de leur propres ailes.