[Dunandan] Mes critiques en 2014

[Dunandan]

La grande lessive, Jean-Pierre Mocky (1968)

Programme familial dont je suis le seul à avoir tenu le coup jusqu'au bout ... La grande lessive est une comédie burlesque (limite vaudeville) très populaire à l'époque (dont le contexte de production est bien présenté dans cette critique plus tolérante que la mienne), avant tout pour son sujet visionnaire (bien que basé sur un fait réel) : une bande de profs décide de bousiller les antennes de télévision car leurs élèves dorment en classe et ne font pas leurs devoirs.

Mais alors que c'était pénible à suivre, à l'image du titre qui ne veut rien dire (ce que le réalisateur confirme d'ailleurs dans une interview, pour se conformer à la tendance selon laquelle il faut composer avec "grand" pour faire croire que c'est un "grand film") ! On dirait que les scénaristes étaient bourrés en écrivant l'histoire car ça part dans tous les sens, alors que l'intrigue pourrait tenir sur un timbre poste. L'esthétique du film est moche, télévisuelle (à la limite pas trop grave pour le genre). Et cela se veut subversif, révolutionnaire, et anarchique dans l'âme mais ça brasse beaucoup d'air pour rien.

Alors que la qualité d'une comédie tient essentiellement à son rythme, ici ce dernier est catastrophique, notamment en passant d'une idée à l'autre sans prévenir. Donc une oeuvre bruyante et hystérique qui a terriblement vieilli, qui vaut le coup d'oeil uniquement pour sa thématique avant-gardiste (mais mal exploitée à part 2-3 idées), ses personnages bien barrés, et quelques gags qui sont si cons et inattendus qu'on en perd son latin.

[jean-michel]

Je l'ai vu et je pense comme toi! d'ailleurs j'ai arrêté avant la fin tellement cela me gonflait!

[Mr Jack]

Je l'ai noté comme toi à sa sortie, Away we go, et depuis je trouve qu'il vieillit mal dans mes souvenirs. Du coup j'ai peur de le remater.

[Dunandan]

@ Jean-Mi : une scène m'a bien fait marrer quand même, quand le mec de l'info propose aux téléspectateurs une nouvelle télé dernier cri aux premiers qui arrêtent les profs, et du coup ils montent sur le toit avec fusils, armes blanches, etc. . Mais bon 90 % du temps c'était mortellement ennuyeux, et pas compris le coup du flic de la télé qui chante tout le temps .

@ Jack : hé ben pourtant il est super beau ce film. On peut à la limite critiquer son déroulement didactique (en gros on le vaut bien face à tous ces parents), mais je le trouve touchant par sa simplicité, et même libérateur par certains aspects, et je le trouve même complémentaire avec Les noces rebelles qui tendraient à dire que le couple n'a pas d'espoir .

[Dunandan]

Valhalla Rising, Nicolas Winding Refn (2009)

Après Drive que j'ai plutôt apprécié, m'est venu le désir de découvrir un peu plus la courte filmographie de Refn. Et ce que j'apprécie jusqu'à présent, c'est sa capacité à nous happer viscéralement dans l'atmosphère radicalement assumée de ses films, nous mettant au diapason du rythme catatonique de ses personnages. Suivant la tradition du trip sensoriel et métaphysique, il faut donc laisser son cartésianisme au placard sans quoi on risque de se sentir complètement largué.

En effet, ce n'est pas à cette intrigue épurée et elliptique au maximum qu'on pourra s'accrocher, qui nous conte simplement la marche d'une poignée de vikings chrétiens guidés par un mystérieux guerrier silencieux qui parle par l'entremise d'un garçon, traversant des paysages désolés vers une destination inconnue qu'ils identifient tantôt au 7ème ciel, tantôt aux enfers. Ce qui est au coeur de ce film, c'est tout d'abord le boulot visuel et sensoriel, mis en valeur par la photographie et la musique sonore qui nous transmettent un immense sentiment d'aridité et de noirceur. Ce qui donne de la perspective à ces personnages qui ne prononcent presque pas un seul mot, définis essentiellement par leur imposante constitution et leur résistance à la souffrance, comme si leur motivation et leurs croyances étaient en symbiose avec ces environnements durs, embrumés, rocailleux, et apparemment sans vie.

Comme toute oeuvre de ce genre, les niveaux symboliques sont multiples, centrés particulièrement autour de la folie religieuse qui aliène complètement les personnages, tandis que la nature règne en maître. J'avoue ne pas avoir capté toutes les allusions à la première vision, et Black Death me semble d'ailleurs un peu plus profond sur le sujet. Pas grave, car ce qui compte ici, c'est moins le fond que le ressenti, et on est bien servi avec cette magnifique (paradoxalement) descente aux enfers, parsemée de séquences de violence brute, en contrepoint avec un déroulement lent et éprouvant, le tout constituant ainsi une étrange marche funéraire. J'allais oublier la prestation de Mads Mikkelsen incarnant le guerrier silencieux, qui dégage un charisme et une présence impressionnants sans même prononcer un mot, figure mémorable qui préservera son mystère jusqu'au bout, et contribue grandement à l'ambiance moribonde qui règne au coeur de cette pellicule pour le moins atypique et marquante. Un OVNI contemplatif (mais pas vide) qui ne laissera personne indifférent.

[Dunandan]

L'hirondelle d'or, King Hu (1966)

L'hirondelle d'or est un Wu Xia Pian qui a fait date dans le genre, et Tigre et Dragon s'en inspirera d'ailleurs largement pour son esthétique et son intrigue romancée dotée de figures héroïques remettant en question l'aspect vertueux de leurs pratiques, tout en lui rendant hommage par de nombreuses manières (présence de l'actrice principale, et la fameuse séquence de l'auberge). Mais si ce film old-school au charme désuet mais bien présent, est d'abord reconnu pour son boulot sur les chorégraphies et la gestion de l'espace durant les affrontements, j'avoue que paradoxalement, ce n'est pas le meilleur point du film : certes, les mouvements "dansés" de l'héroïne ont une certaine grâce, mais ils sont sur-découpés et manquent de patate, en totale contradiction avec l'impact de ses coups (les mecs s'envolent à plusieurs mètres). Dommage, elle est bien charismatique, de même que son comparse.

Et c'est justement la qualité principale de ce film : la mise en scène de ses personnages principaux. Ce qui compense une intrigue hyper classique et peu palpitante (bien que limpide à suivre), avec ces deux groupes ennemis qui veulent procéder à un échange d'otages, sans vraiment approfondir leurs motivations. A ce titre, le passage dans l'auberge est un petit modèle de construction, une signature : l'hirondelle d'or (présentée d'abord comme un type - important pour sa présentation - mais son joli minois ne fait pas longtemps illusion) fait une démonstration de force contre ses adversaires à base de techniques super fortiches, épaulée par un mystérieux individu qui se révélera lui aussi très doué malgré ses apparences d'ivrogne. Une scène un peu bancale dans la façon dont les autres la provoquent, mais importante pour ce qu'elle représente. Car au contact de ce protagoniste mystérieux, d'abord confiante et toute puissante, elle réalise ensuite que la force ne fait pas tout, et que la véritable maîtrise est ailleurs et se révèle dans l'observation plutôt que l'action. Cette dynamique des faux-semblants et ce renversement des valeurs (basée partiellement sur les non-dits), est ce qui fait le sel du film.

Si on me demandait de choisir entre L'hirondelle d'or et sa suite, il me serait difficile de les départager. Car si cette dernière va plus loin que son aîné dans la thématique du héros désenchanté, ils accusent tous deux d'un même défaut de rythme, imputable partiellement à leur tonalité globalement mélancolique qui provoque parfois l'ennui. Et à l'inverse ils sont tout aussi brillants en termes de caractérisation de personnages (même si la version de Chang Cheh est formellement plus brillante, surtout ce qui touche aux combats). De toutes façons, voilà deux classiques complémentaires du genre qu'il s'agit de découvrir pour tout fan qui se respecte.

[Mark Chopper]

Si on me demandait de choisir entre L'hirondelle d'or et sa suite, ce serait difficile

Le premier ennuie, le second déchire. C'est facile comme choix

[angel.heart]

Même si j'aime bien le premier, il est clair que pour moi aussi le choix est facile...

Sa suite, c'est juste un des meilleurs Chang Cheh ! ( et donc un des meilleurs films du studio... )

[Dunandan]

Nan, vraiment je me suis un peu ennuyé dans les deux. Alors c'est clair que le second est plus chiadé et plus dynamique que le premier (surtout les combats), mais j'ai un problème avec le tempo des deux qui a tendance à me faire bailler d'ennui sur la durée ...

Mais bon mes deux visions sont assez espacées, je reverrai peut-être le Chan Cheh à la hausse, mais pas le King Hu, on est bien d'accord ... (qui a quand même pas très bien vieilli sur certains aspects)

[puta madre]

Pareil que Mark et angel : je trouve que la suite surpasse de très loin l'original

[Dunandan]

Mais, mais ... je vous merde !

(non sérieux, si je devais considérer les qualités de chacun, la balance pencherait en faveur du second, mais bon : je fais passer le ressenti d'abord, c'est ma règle première d'appréciation, et sur ce plan-là je les mets à égalité ... Une règle qui peut évoluer avec le temps bien sûr.)

[osorojo]

T'inquiète Dun, j'te soutiens moi. Il est sympa au niveau des stomb' ce film, mais l'histoire est quand même bien neuneu par moment, et le rythme de l'ensemble n'est pas du meilleur effet. Bon film, mais clairement pas une pépite pour moi ^^

[Kakemono]

@ Jack : hé ben pourtant il est super beau ce film. On peut à la limite critiquer son déroulement didactique (en gros on le vaut bien face à tous ces parents), mais je le trouve touchant par sa simplicité, et même libérateur par certains aspects, et je le trouve même complémentaire avec Les noces rebelles qui tendraient à dire que le couple n'a pas d'espoir .

Oui c'est étonnant de voir comment Away We Go et Les Noces Rebelles se répondent. Je préfère quand même largement le premier, beaucoup plus simple et plus attachant. Je me souviens d'un film qui m'as réellement parlé et dont l'empathie fonctionne vraiment. Pas revu depuis le ciné, j'appréhendais un peu mais ta critique me donne envie de me le refaire sous peu.

[Dunandan]

La folie des grandeurs, Gérard Oury (1971)

Alors que l'intro musicale aux airs de Morricone m'avait mis en appétit, j'ai trouvé ça rapidement longuet. Pourtant réputé comme l'un des meilleurs Louis de Funès, le problème est que ce dernier n'a pas arrêté de gesticuler durant 1h40. Certes, le sur-jeu fait partie de son personnage, sauf que là ça ne colle pas avec cette adaptation de V. Hugo à peine épurée de l'original (beaucoup de dialogues), et donc compliquée pour rien par ces facéties grotesques qui peinent à faire rire par leur manque d'économie. En fait, les grands moments avec lui sont concentrés au début, toutes les fois où sa mégalomanie brille à l'écran, comme ce grand chapeau trop grand pour sa petite tête, ou le réveil matinal au scintillement de l'or agité par son serviteur. Et c'est l'acteur qui incarne ce dernier, Yves Montand, qui lui vole carrément la vedette par sa justesse de ton, et devient d'ailleurs le protagoniste principal de l'histoire. En grattant un peu plus, quelques comiques de situation et quiproquos (amoureux) font encore mouche, et le cadre hispanique choisi a beaucoup de charme.

En fait, ma déception vient paradoxalement du fait que je m'attendais à un film de Louis de Funès, alors qu'on se retrouve finalement avec un film de Yves Montand, et une version de Molière pas si déglinguée que ça (j'aurais aimé un peu plus de folie, là c'est juste fou-fou). Les meilleurs scènes comiques reposent sur leur duo, mais ils sont séparés la moitié du temps, et l'intrigue prend alors le dessus, le problème étant qu'elle n'est jamais assez intéressante ou palpitante pour qu'on s'y accroche complètement. Pas mauvais, juste moyen par rapport aux barres de rire que j'ai pu me prendre avec Rabbi Jacob ou Le grand restaurant.

[elpingos]

Trop d'attente tue l'attente ... C'est con, il est quand même assez génial celui-là, et oui Yves Montand y est excellent, et sa classe est un contrepoint justement très appréciable à l'ultra cabotin de Funès ...

Ps: la bo géniale est de Polnareff et l'adaptation n'est pas de Molière, mais du Ruy Blas de Victor Hugo, dont le film est au final très librement inspiré.