⌲ DR. STRANGELOVE (1964)de Stanley Kubrick avec Peter Sellers, George C. Scott, Sterling Heyden
Histoire: Le général Jack Ripper, convaincu que les Russes ont décidé d’empoisonner l’eau potable des États-Unis, lance sur l’URSS une offensive de bombardiers B-52 en ayant pris soin d’isoler la base aérienne de Burpelson du reste du monde. Pendant ce temps, Muffley, le Président des Etats-Unis, convoque l’état-major militaire dans la salle d’opérations du Pentagone et tente de rétablir la situation.
En plein délire paranoïaque américain (impliquant les russes), après le paroxysme atteint en 62 avec les missiles cubains, et le choc Kennedy en 63, l’essai satyrique de Stanley Kubrick parait comme une véritable ode à la paix, un film pacifique par l’absurde mais loin de ranger ses griffes quand il faut égratigner la bêtise émergeant du pouvoir. De toute part d’ailleurs, la virulence du propos du metteur en scène n’épargne personne et tire au ridicule tout le monde y compris son propre pays. Surtout son propre pays, j’ai envie de dire. En utilisant la drôlerie infinie de Peter Sellers, sorte de mutant comique portant sa voix comme premier pouvoir burlesque, Kubrick désamorce la pire des bombes capable de faire exploser à tout moment une nation entière: la peur. La puissance historique de ce film est aucunement discutable. Cela dit, il n’est pas dénué de limites. Car si l’humour de Sellers est d’une efficacité sans faille (les scènes au téléphone sont à mourir de rire), il reste de l’intrigue un espèce de long suspense beaucoup trop tiré en longueur, enfermé dans un avion de chasse que l’on devine à l’oeil nu en papier tiré par une ficelle gigotant devant un fond immobile et qui n’a d’utilité que ce plan final cultissime où le Major "King" Kong chevauche la bombe à hydrogène américaine, chaussé de ses plus belles bottes et de son plus saillant chapeau de cow-boy, beuglant un cri texan tout le long de sa chute. Toutes les analogies, tous les plans à double sens (comme celui, répété et presque lourd, de la salle de guerre du pentagone, dessiné comme le haut d’un champignon nucléaire) et les métaphores sexuelles marchent à tous les coups, mais l’objet final, aussi fort et louable soit-il, ne reste qu’un essai satirique ancré dans son époque et difficilement extirpable de son contexte. Je ne pense pas que cinquante ans après, l’impact du message de Kubrick soit aussi percutant dans une société comme la nôtre. Et jusqu’à preuve du contraire, c’est bien l’impact d’un film, son influence qui le rend pérenne -ou pas.
7/10