District 9 est l'exemple même d'une bonne reconversion de projet. A l'origine pensé comme l'adaptation de l'excellent jeu
Halo, la réduction de budget importante imposée par les studios en a décidé autrement. Mais heureusement une grande partie des effets spéciaux en dur était déjà conçue (notamment l'excellent design des créatures), qu'on a couplé avec le script du court-métrage de Neill Blomkamp qui a été repris dans ses grosses lignes. Ainsi, au lieu de retrouver une super-production qui aurait probablement connu de fâcheux compromis commerciaux (il n'existe d'ailleurs aucun film sur un jeu-vidéo qui a été une réussite artistique), on obtient à la place un film de genre personnel aux moyens quand même sympathiques.
Loin d'être un défaut, ces contraintes ont permis de mixer des choses très intéressantes. En effet, le style du faux documentaire utilisé permet de justifier l'image dégueulasse, et de mettre en abîme le thème de l'apartheid de manière immersive et crédible. Un point de vue qui souligne efficacement les implications politiques de ce système idéologique (un Etat militarisé, manipulateur, et aux méthodes corrompues, des gangs qui maintiennent les masses dans la violence et la servitude par le trafic d'armes et le marché noir, etc.), et l'ambigüité du personnage principal, Wikus Van de Merwe, qui est un gentil, mais concentre toute la naïveté et la bêtise possible par rapport au racisme lorsque l'information ne passe pas. Ce qui est doublement réussi, c'est donc l'empathie qu'on a pour lui (il est juste con), mais qu'on déteste suffisamment (car il suit les ordres), pour s'intéresser au sort des aliens, qui bénéficient d'ailleurs d'un
background vraiment très bien foutu (même si seul un petit groupe est réellement développé, ce qui est suffisant pour l'intrigue développée).
Ainsi, en dépit des limites narratives imputées à la forme (car ce n'est pas très cohérent de la garder dès lors que le personnage principal se retrouve seul, sans caméra-man à sa trace), cette contrainte permet à l'inverse son lot de séquences généreuses, surtout lorsqu'on a Peter Jackson comme co-producteur, à qui on doit sûrement certaines idées (il s'est d'abord illustré pour ses films de genre ultra gores). Effectivement, la transformation kafkaïenne de Sharlto Copley est juste troublante et angoissante, même si elle n'est finalement pas si trash que ça, puis les altercations entre humains et ET sont parfois bien violentes avec des bouts de chair qui volent, et enfin la dernière partie du film dépense chaque dernier centime du budget avec une démonstration efficace et jouissive des armes alien, et surtout l'une des meilleurs séquences de mécha jamais vues au cinéma. D'ailleurs, avoir fait de l'idiot du village, le héros, rend ces scènes d'autant plus fortes.
Au final, on a donc un film hybride plutôt original, avec un thème engagé (l'apartheid), traité sous une forme qui n'a jamais été faite jusqu'à présent (la science-fiction), avec un côté Bis assumé qui fait plaisir à voir. Dommage que Neill Blomkamp s'est contenté de faire un quasi papier-coller de ce premier long-métrage avec
Elysium tant dans la forme que dans le fond : il serait temps de passer à autre chose au lieu de reproduire artificiellement le style d'un film qui ne pouvait être qu'un
one shot sans perdre en authenticité.