⌲ BOOGIE NIGHTS (1997)
de Paul Thomas Anderson avec Mark Wahlberg, Julianne Moore, Burt Reynolds.
Histoire: En 1977, le jeune Eddie Adams est plongeur dans une boîte de nuit à la mode de San Fernando Valley, banlieue de Los Angeles. Sa vie de famille n’est pas rose entre un père muet et une mère hystérique qui lui reproche d’être un raté. C’est alors qu’il fait la connaissance de Jack Horner, qui va le propulser dans le monde du cinéma porno. A une époque où le sexe est un plaisir sans danger et le plaisir une industrie, Eddie devient une star international sous le nom de Dirk Diggler.
Boogie Nights c’est l’histoire d’un gars qui regarde sa bite dans le miroir. Boogie Nights c’est l’histoire de l’Amérique qui se regarde dans le miroir. Elle rembobine la cassette et repart filmer la transition entre fin 70 et début 80, elle part en témoignage et assiste à l’érosion de la violence, à l’explosion du traffic et de la consommation de cocaïne, au pétage de plomb de tout un pays, de toute une société qui vient de survivre au traumatisme de la guerre du Vietnam, du scandale de Watergate et qui arrive au bout de son processus de paix avec elle-même et qui assiste à sa rechute. Jamais (ou très peu) je n’ai vu un film aussi en phase avec son sujet sans jamais appuyer sur la mine du feutre, et qui, au bout du trois quart de son déroulement, pète littéralement un câble. Jamais (ou très peu) je n’ai vu un film avec une fracture aussi évidente, aussi surprenante. Visuellement, je veux dire, ça pète devant nos yeux sans prévenir mais au contraire en continuant de manière glissante le chemin linéaire du destin de Dirk Diggler, passé de gamin naïf et ambitieux à mégalomane cocaïné. Car Boogie Nights, on le voit pas venir, c’est aussi un film sur la cocaïne, mais qui contrairement aux nombreux films dévoués au sujet, ne tombe jamais dans le glauque, le névrosé, non, Paul Thomas Anderson ne fait que montrer à quel point cette drogue tue le désir et rend en colère plus que tout autre chose celui qui consomme. Ce n’est pas une leçon de morale sur les méfaits de la drogue mais plutôt un constat de comment on a pu passer de l’espoir commun au désespoir généralisé, de la liberté à l’enchainement. Boogie Nights ça parle aussi du sexe et d’un autre constat qui finalement peut être mis en parallèle avec la drogue: dans les années 70, c’était décomplexé, libre, passionné, et dans les années 80 c’est devenu tabou, interdit, mais surtout dangereux, Sida oblige. Boogie Nights ça parle du cinéma libre et libéralisé, vulgarisé, écrasé en un pauvre rectangle appelé VHS. Tout le monde peut se filmer et témoigner. Bref Boogie Nights ça parle de beaucoup de choses, et la transition, filmée non-stop en Steadicam de manière sublime, intime, par un réalisateur impliqué et donnant à chacun de ses acteurs la puissance nécessaire pour mener à bien le travail de témoignage, vaut tous les détours du monde.
PS: une des meilleures soundtrack existante.
9/10