⌲ SHAME (2011)
de Steve McQueen avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale.
Histoire: Le film aborde de manière très frontale la question d'une addiction sexuelle, celle de Brandon, trentenaire new-yorkais, vivant seul et travaillant beaucoup. Quand sa sœur Sissy arrive sans prévenir à New York et s'installe dans son appartement, Brandon aura de plus en plus de mal à dissimuler sa vraie vie...
Portrait sans concession de l'homme moderne qui sous la maitrise implacable de Steve McQueen, est représenté comme un être seul, impuissant, indécis et individualiste, collant parfaitement au monde dégoutant qui l'entoure. Constat qui pourrait paraitre cynique mais dressé tout en finesse, sous des notes rigoureuses de piano, de violons, à l'aide de longs plans séquences et de gros plans cherchant à nous rapprocher au plus près du concret, du quotidien déprimant de ces gens vides sous leur coquille. Tout cela est montré sans filtre, sans artifices, rien ne se cache derrière une espèce de fausse intrigue que l'on devrait casser pour en voir les vrais traits, non, McQueen pose son regard et nous dit tout de manière très directe, très juste, comme pour nous prouver qu'il n'est pas là pour jouer, il est là pour partager sa vision, sans chichi. La photographie bleue, mêlée à cette musique mélancolique, apporte une nuance au propos qui n'a rien d'une leçon de morale mais qui au contraire est là pour contrebalancer le constat assez dramatique du monde contemporain. La direction d'acteurs est sans doute la plus grande réussite du film (avec la mise en scène, subtilement chorégraphiée): Fassbender est incroyable, tendu comme un fil prêt à lâcher à n'importe quel moment et son regard est franchement bouleversant, rempli de fissures inavouables et de contradictions englouties ; Carey Mulligan, pour une fois, ne se contente pas d'être là mais incarne un personnage, celui de la soeur au bord de la crise de nerfs, sans arrêt à la recherche d'attention et qui au contraire de son frère, n'a rien dans le regard, tout dans la voix, dans l'apparence, elle donne tout et ne garde rien, quitte à frôler le vertige et à sauter dans le vide. Le rapport de force entre les deux est finement écrit, merveilleusement joué et les scènes partagées sont des modèles du genre. Un objet maitrisé, nihiliste mais non dénué d'humanité, une grande réussite.
8.75/10