Synopsis:
Timide et surprotégée par sa mère très pieuse, Carrie est une lycéenne rejetée par ses camarades. Le soir du bal de fin d’année, elle subit une sale blague de trop. Carrie déchaîne alors de terrifiants pouvoirs surnaturels auxquels personne n’échappera…Mon avis, ou comment foirer un remake en 8 étapes :Le remake du formidable Carrie de Brian de Palma, c'est bien la fausse bonne idée de l'année 2013, quelques mois après l'épouvantable et non recommandable remake d'evil dead. Ou bien s'agit-il, nuance, d'une nouvelle adaptation du roman ? Malheureusement, je n'ai pas lu le livre de Stephen King et je partirai du postulat qu'il s'agit bien là du remake du film. Le remake, sera ici appelé "truc" dans la suite de cette critique.
Je ne vais pas m'étaler sur la question de la légitimité de tel ou tel remake, pas plus que je ne vais évoquer la non nécessité qu'était de remaker Carrie. Le film de Brian de Palma, bien qu'il ait pris un sacré coup de vieux, ne nécessitait pas un remake, c'est comme ça (je renvoi à la critique de
Scalp qui a tout dit).
1ère étape: choisir une réalisatrice dont on attend strictement rien dans ce registre. 1ère erreur de casting donc, la réalisatrice. Je suis d'avis qu'en la matière, choisir un réalisateur qui s'est illustré dans des genres totalement différents pour réaliser un remake, une suite, etc... est toujours une très mauvaise idée, surtout lorsqu'il s'agit de réaliser un film de commande. On l'a vu récemment avec Gavin Hood. La réalisatrice semble donc ici totalement perdue face aux impératifs fixés par la production. Le résultat à l'écran en est le triste constat. Ok, c'est propre, mais c'est creu et sans âme. N'oublions pas qu'il s'agit d'un remake d'un film de Brian de Palma nom de dieu ! A la place, au bout de 5 minutes, une erreur de montage. Déjà là ça la fout mal (alors pour l'anecdote, Carrie est censée prendre sa douche toute nue, et quand elle tombe, ben on voit sa petite culotte - et je dis pas que je voulais voir la chachatte de Chloé, elle est/était mineure).
2ème étape: reprendre le scénario de l'original et repasser par-dessus au stabylo. C'est bien là le premier soucis de ce truc, on reprend les mêmes scènes et on recommence, le talent en moins. Bon, c'est quand même une adaptation du roman, il est compréhensible que les "auteurs" de ce truc ait conservé le pitch de départ et le climax final. Ok. Mais la question qui se pose est la suivante : pourquoi reprendre exactement les mêmes scènes si c'est pour souligner au marqueur fluo ce qui était pourtant déjà limpide dans l'original ? Quitte à se lancer dans un remake, autant apporter un regard neuf sur la chose. Il y avait pourtant de quoi faire. Le regard neuf se matérialisera malheureusement par une réactualisation du contexte, et... et... ben c'est tout. Par exemple, succès des smartphones oblige, on ajoute par ci par là des vidéos youtube, et le tour est joué. C'est mince, et surtout c'est du vu et du revu au cours des dix dernières années (en fait, qui ne s'y attendait pas ?).
Là où il y a de quoi être fâché, c'est la façon dont le spectateur est ouvertement pris pour un débile incapable de comprendre les pouvoirs de Carrie. Là où l'original, dopé par son manque de moyen et les limites techniques de l'époque, suggérait les pouvoirs de Carrie tout au long du métrage, jusqu'à son terrible final, on tient absolument à nous montrer image à l'appui quels sont ces pouvoirs et de là on assiste complètement déprimé à une succession de scènes qu'on croirait sortir de n'importe quel film de super-héros. Totalement hors sujet. C'est moche, c'est con, c'est grandiloquent et sans aucun intérêt.
3ème étape: foirer son casting.Alors là, je dois avouer que je suis complètement désemparé. Pourquoi ? Parce-que Julianne Moore c'est quand même une putain d'actrice. Mais clairement, elle n'était pas faite pour ce rôle. Du moins, pas comme il a été écrit. Ce n'est pas qu'elle soit mauvaise, loin de là, c'est tout simplement que je n'avais pas envie de la voir comme ça. Un ramassis de clichés là où il y avait tout particulièrement quelque chose d'intéressant à développer. Je citerai par exemple le personnage incarné par Marcia Gay Harden dans The Mist de Darabont, qui adaptait déjà Stephen King. A la place, on a donc droit à un personnage bancal qui n'est pas à la hauteur du talent de Julianne Moore et la déception n'en est que plus énorme (qui n'a pas pensé qu'elle pourrait relever le niveau de ce truc que personne n'attendait ?).
Je ferai l'impasse sur le casting de têtes à claque qui feront ici d'office de faire-valoir tout au long du film, tant il n'y a malheureusement rien à retenir.
4ème étape: foirer ses enjeux.Voilà l'un des autres problèmes du film: l'absence totale du moindre enjeu. Il était intéressant de constater dans le Carrie original que le personnage titre était absolument seul au monde. Evidemment, ce n'est plus le cas ici, puisqu'elle fait l'objet dès le début du film, sans qu'on comprenne jamais pourquoi, de l'empathie de nombres de ses camarades de classe, du beau gosse qui va l'inviter au bal à la petite copine de ce dernier. Non mais WTF ? Carrie n'est pas impopulaire, elle est la risée de son collège, et c'est l'isolement dans lequel elle est cloîtrée qui rendra sa vengeance d'autant plus forte et implacable. Encore une fois, le film se vautre lamentablement.
Pire, là où on se dit que peut être, ces âmes charitables feront les frais de la vengeance de Carrie, on est encore une fois déçu. Aucune audace, il faut rester on ne peut plus politiquement correct. Les gentils sont gentils, alors ils s'en sortent, et ce sont les méchants très méchants, et eux seuls qui en feront les frais. Raté, une fois de plus. Et ce n'est pas le dernier raté...
Parce-que oui, des ratés dans l'écriture il y en a la pelle, et je pourrais écrire des heures là dessus. Je prends l'exemple de la méchante très méchante. Mais pourquoi est-elle aussi méchante. Certains diront qu'elle est méchante parce-que. Ok mais bon, quand on souhaite autant exacerber les motivations d'un personnage, aussi incohérentes soient-elles, il faut essayer tout de même à faire en sorte que ça paraisse crédible. En résulte, à la place, un personnage écrit à peu près n'importe comment et qui fera comprendre très rapidement au spectateur que c'est le résultat du manque d'ambition des auteurs de ce truc qui n'ont rien trouver de mieux pour victimiser le personnage de Carrie. Bref, on fera avec, tant pis hein.
5ème étape: ne pas comprendre le concept du film qu'on remake.Il s'agit très certainement là du plus gros couac du film. Les auteurs de ce truc ont ils seulement compris quels étaient les pouvoirs de Carrie ? Etaient-ils seulement à l'école pour comprendre les règles les plus élémentaires de la physique ?
Carrie a des pouvoirs de télékynésie, c'est à dire qu'elle peut déplacer des objets par la pensée. Quelle était la nécessité d'ajouter à cette capacité d'autres qui n'ont strictement rien à voir avec la télékynésie ? A trop vouloir en faire, on fait souvent n'importe quoi. Au point que le film finit par partir dans tous les sens et donne cette désagréable sensation que le film a été conçu par des individus à qui on a vaguement raconté l'histoire du premier Carrie, retranscrite pour le coup de mémoire. Ou s'agissait-il de plaire à un public d'ado débiles ? Ainsi, comment expliquer que Carrie soit capable d'avoir conscience que l'une de ses camarades est enceinte et qu'elle attends une fille (ou un garçon je ne sais plus). C'est encore une fois, gratuit, totalement hors sujet. Le mystère autour de Carrie s'amincit comme une peau de chagrin au point qu'au final, on s'en fout éperdument. Franchement, elle aurait pu cracher des boules de feu et tirer des lasers avec ses tétons que j'aurais même plus été (désagréablement) surpris.
Je parlais avant de physique, et je tenais à souligner le ridicule d'une scène en particulier: Carrie soulève une voiture par la force de la télékynésie, et son conducteur paniqué appuie sur l'accélérateur. Carrie relâche la pression exercée sur le véhicule, qui est toujours en lévitation, et vu que les roues tournent (ou routourne), la voiture fonce en avant. Bon, je suis pas un grand physicien, mais je demeure intimement convaincu que si les roues qui sont censées propulser le véhicule (et je suis un spécialiste en roue) ne sont pas en contact avec le sol, ben la voiture elle peut pas avancer.
6ème étape : ne pas savoir ménager ses effets.Ce gros raté fait bien entendu inévitablement écho à ce qui a été dit auparavant. Le film accumule les effets prétendument choc (et qui en fait ne le sont pas du tout) et ceci du début à la fin. C'est fatiguant, ça n'impressionne plus personne, et ça ne fait que masquer le manque d'ambition du truc. Exit le mystère, l'atmosphère pesante de Carrie, l'original. C'est pompeux et ça représente précisément tout ce que l'on exècre dans un remake. Une fois de plus, ces effets sont surlignés au stabylo pour ne pas échapper à la vigilance du spectateur, qui une fois de plus remerciera les auteurs de ce truc de le prendre pour un con.
7ème étape : ne pas tenir ses promesses et foirer son inévitable climax. Il faut dire que passé une heure au compteur, on attends finalement plus qu'une seule chose: le tant attendu massacre du bal de fin d'année. Autant dire, le spectateur désabusé par tout ce qu'il vient de voir ne pourra en aucun cas de se contenter de cette scène qui, au vu du budget du film et des moyens techniques modernes, ne devait pas être foiré. Encore une fois, raté, c'était sans compter le manque d'ambition des auteurs. Autant dire que je serai bref, il n'y a absolument rien à se mettre sous la dent. Je n'ai pas vérifié, mais en tout cas vu ce qu'on nous montre, le film semble être classé PG13. Pourtant, s'il y a bien un domaine dans lequel le cinéma d'horreur de ces dernières années ne s'est plus jamais montré avare, c'est bien dans le gore. Passez votre chemin si c'est ce que vous recherchez, car il n'y en a pas. La violence est suggérée me direz vous ? Ben non, même pas. On nous montre tout, mais en fait il n'y a rien à voir. Sacrément paradoxal, mais c'est la triste réalité.
Il y a bien une ou deux séquences bien sentiee (notamment le coup du pare-brise), mais c'est tout.
Dernière étape: choisir un titre français complètement à côté de la plaque."Carrie, la vengeance". Non sérieusement ? Ils ont pensé à quoi en choisissant ce titre ? A vendre le film comme une suite (qui existe déjà et qui est bien plus réussie, malgré qu'elle ne soit pas terrible non plus) ? C'est sûr qu'à côté de "Carrie au bal du diable", ça la fout mal quand même.
Au final, est-ce qu'il y a quelque chose à sauver de ce naufrage ?Contre toute attente, la réponse est : oui. Evidemment, il y a Chloe Moretz ! Après avoir pataugé dans le remake inutile de Morse (la purge Laisse moi entrer), elle tire néanmoins son épingle du jeu en interprétant une Carrie totalement hallucinée. C'est la seule et unique réussite du film (quoi que elle en fait parfois des caisses). C'est dommage, car ça laisse entrevoir un potentiel que le film ne sera jamais en mesure d'exploiter. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle est à même d'effacer le souvenir de Sissi Spacek, loin de là, mais quand même il y avait matière. C'est simple, elle imprégne la rétine dans un genre totalement différent de sa devancière. C'est quand même sacrément frustrant pour le coup.
Il faut néanmoins mettre un bémol, car là où Sissi Spacek était effectivement suffisamment moche pour crédébiliser Carrie, ce n'est pas forcément le cas de Chloe Moretz. Bon, elle casse pas trois pattes à un canard c'est vrai, mais métamorphosée en jolie jeune fille d'une scène à l'autre, bof bof.
Néanmoins, saluons le choix d'une jeune actrice, mineure me semble-t-il, qui est la seule à avoir su s'investir convenablement dans ce film qu'il faudra rapidement oublier. La seule chose qui me fait frémir, c'est de prendre conscience de la qualité du public auquel ce genre de truc est destiné.
La note, c'est uniquement pour elle, sans quoi c'était un bon 1/10, sans l'ombre d'un remord. Hummm de quoi frémir à l'arrivée du prochain Robocop...