- Maman, je veux regarder un film de noël !!!
- Ben regarde les Aristochats.
- Je l'ai déjà vu.
- Aladin ?
- Pareil.
- Bon tu me saoule !!! Tiens, je vais te montrer un film avec le papa noël... ça va te calmer direct !!!
- C'est quoi ?
- Ce film, c'est :
Harry est un bon gars. Employé dans une usine de jouet, il effectue le même rituel chaque soir de noël : il pique quelques jouets sur son lieu de travail, se déguise en père noel et part faire sa distribution aux enfants qui en ont le plus besoin.
Mais comme tout personnage intéressant, Harry dissimule un terrible secret : étant enfant, il a été témoin des galipettes effectuées par sa mère avec un homme déguisé en père noel (pas cool), ce qui l'a laissé gentiment traumatisé.
Lorsqu'il apprend que les patrons de sa boite se moquent de lui (on évitera de révéler trop l'intrigue), Harry va littéralement péter câble et se lancer dans une excursion vengeresse au cour de laquelle il va trucider tous les adultes qu'il juge irrespectueux de l'esprit de noel.
Sorti en 1980 - âge d'or du slasher - et réalisé par Lewis Jackson,
CHRISTMAS EVIL aurait pu n'être qu'un film de plus montrant un tueur en série dessouder du crétin à tour de bras... s'il n'était pas imprégné d'un réel message engagé. Car si ce film est assez moche et peu palpitant, on est étonné de constater que son réalisateur n'est en aucun cas interessé par les meurtres ou les effusions de sang. Le bonhomme leur préfère des thématiques beaucoup plus profondes, comme l'exploitation de l'esprit de noel par des capitalistes véreux, la perte de l'innocence des enfants sur l'hôtel du profit, l'acharnement de son personnage principal à retrouver cette innocence à travers une série de meurtres odieux qu'il semble désolé de commettre.
Car non, Harry n'est ni Michael mMers ni Jason Voorhees, il est juste un homme faible moralement qui, tristement, atteint son point de rupture. Cette dimension psychologique parvient à donner à ce personnage une grande humanité et permet une empathie évidente du spectateur à son égard. Le réalisateur inverse donc ici le traditionnel processus d'identification inhérent au slasher, traditionnellement dirigé vers la victime et non le tueur. Un tueur mal dans sa peau, désespéré et dont les motivations sont, au final, compréhensibles (à défaut d'être acceptables). Il résulte de cette démarche un sentiment de tristesse pour ce garçon que l'on voit s'enfoncer dans la folie sans rien pouvoir faire. Le ressenti final à son égard et avant tout de la compassion... et c'est assez rare pour être souligner (combien de fois vous êtes-vous senti en empathie avec tueur de slasher ?).
Bon, soyons honnête, si la démarche première du film est fort louable, elle n'empêche pas à l'ensemble d'être très indigeste. Le film est lent et son rythme peine à se mettre en place durant les deux premiers tiers du récit. Seuls les plus courageux tiendront la distance et pourront profiter des meurtres - plutôt sympathiques - prenant place en dernière partie de film.
Mais c'est le final du film qui lui donne toute sa dimension. Une conclusion jusqu'au-boutiste qui pousse jusqu'à l'extrême la folle logique du personnage d'Harry. Une envolée lyrique - magnifique pour certains, complètement hors sujet pour les autres - qui donne à ce CHRISTMAS EVIL toute sa saveur et termine de nous convaincre de l'extrême pessimisme dont fait preuve son auteur.
Une précédente critique de CHRISTMAS EVIL a été postée sur le forum. L'auteur reprochait au film son manque de meurtres et d'effusions de sang : il était venu chercher un slasher et on lui avait servi un film sans réelle orientation horrifique. Je comprends totalement ce point de vu : si le spectateur s'attend à un bon film d'horreur à l'ancienne, il va être déçu.
Il est d'ailleurs intéressant de se pencher sur la genèse du film et, plus précisément, sur sa sortie.
Les producteurs du film - ayant commandé un slasher au réalisateur Lewis Jackson - tombèrent de leur chaise à la découverte du film terminé. Au lieu de la péloche d'exploitation sensé faire frissoner les adolescents, ils héritèrent d'un pseudo film d'horreur/auteur au propos engagé ne correspondant absolument pas à la cible visée.
Les bagarres entre le studio et le réalisateur furent violentes et les producteurs décidèrent de vendre le film comme un pur slasher (à coup d'affiches tapageuses et de bandes-annonces ne montrant que les quelques meurtres de fin de film). Les spectateurs durent se sentir complètement trahir et arnaqués en sortie de projection.
Pour conclure, je conseillerais aux viendards à la recherche d'hémoglobine de passer leur chemin : ça ne vaut pas la peine de vous infliger ça. Par contre, si vous n'êtes pas effrayé à l'idée de regarder un petit ovni bizarroïde plein de défauts mais imprégné de la volonté de son auteur à faire passer ses idées (exercice plutôt rare dans ce genre), il se pourrait que ce film vous intéresse.