Le premier
Matrix avait la tâche difficile d'être un potentiel
one shot, tout en laissant le spectateur dans l'expectative d'une suite. Or, loin d'être une redite,
Reloaded a la prétention, comme son nom l'indique, de remettre en question les certitudes acquises jusqu'alors, ce qui en fait tout l'intérêt. Alors que j'avais le souvenir de couloirs de dialogues particulièrement fatigants, avec le recul je trouve leur enchaînement au contraire d'une fluidité à toute épreuve, et surtout d'une ingéniosité particulière, brassant des thématiques de science-fiction aussi riches que la connexion entre l'homme et les machines, la causalité et le choix qui fait déborder les constantes pré-déterminées. Bref, le mythe du Messie tournant autour de Néo qui était le grand sujet du premier avec tout ce que cela importe (la prophétie, le destin, et les rôles à tenir), s'est déplacé vers un niveau "méta" vraiment passionnant (car tout n'est que programme, au fond), certes décortiqué de façon à être compris par un grand public, mais qui recèle de subtilités non données au premier venu (normal qu'il y ait autant d'analyses).
Ce film est également
bigger and louder en termes d'action. Les séquences de kung-fu sont bien plus longues, avec des coups inédits (mais pour la plupart déjà vus dans le ciné HK) qui témoignent de la maîtrise sur-humaine des combattants défiant les lois physiques (merci les câbles, le "bullet time", et les CGI). Le moment le plus impressionnant, c'est certainement le climax sur l'autoroute qui regorge de petits passages jouissifs qui ne se répètent pas, avec en parallèle l'affrontement de Néo contre les sbires du programmeur Mérovingien qui est un gros morceau de bravoure autant dans la forme que dans la thématique (puisqu'on reprend les armes blanches du continent terrestre, dont la présence s'explique par la collectionnite de ce dernier). Par contre le combat des Smith contre Néo est un peu "too much" pour moi, abusant d'effets visuels pas toujours bien sentis lorsque Néo s'empare d'une barre de fer, bien que l'intention sous-jacente soit excellente avec les questions du clonage, d'identité, et de contrôle, qu'enveloppe celle, plus large, de virus informatique.
Et c'est bien là mon principal reproche : à trop vouloir en faire, je trouve que les Wachowski pêchent parfois par mauvais goût esthétique, comme la Rave Party succédant au discours de Morpheus s'adressant au peuple de Zion qui ressemble à de la pub pour chewing-gum (ok on a compris que c'est pour montrer qu'ils sont bien vivants et en chair face à la menace mortelle des machines), ou encore l'explication du Mérovingien de la causalité avec la part de gâteau, puis plus tard sa femme qui veut bien livrer le maître des clés en échange d'un baiser (pour montrer que les pulsions et l'amour sont universels et ne sont pas des qualités purement humaines). Je pinaille sur les choix qui ont été faits, mais j'avoue que ce que ces séquences représentent s'intègrent très bien au fil du récit. Bref, je revois cette trilogie avec beaucoup de plaisir, autant pour ses scènes d'action difficiles à égaler (en termes de mise en scène et de chorégraphie), que pour sa façon de remettre en question, à chaque épisode, ce qu'on a cru comprendre de la matrice, sa mythologie, et ses personnages iconiques.