Qu'est-ce qui a bien pu pousser des producteurs à investir, en 2006, dans un remake de The Wicker Man?
La volonté de capitaliser sur un titre vendeur? Peu probable, puisque le film de Robin Hardy n'a connu qu'une diffusion confidentielle et sa réputation dépasse rarement le cercle des fantasticophiles avertis.
L'envie de rendre justice au scénario original d'Anthony Schaffer? A part le final qui a été conservé tel quel, le scénario évacue à peu prêt tout ce qui faisait le charme de l'original. Exit donc l'intrigue minutieusement construite, le flic catholique rongé par ses désirs, l'île écossaise, les passages chantés, la confrontation entre deux religions, l'érotisme, la description documentée des rites païens en vigueur dans la petite communauté insulaire...
Le manque d'idées? Il semblerait, tant le film peine à proposer quoi que ce soit d'original...
Un travail d'adaptation était sans doute nécessaire pour porter à nouveau cette histoire à l'écran dans les années 2000. L'idée de placer le scénario dans une société matriarcale n'est pas mauvaise en soi et la scène de l’école, qui diffère légèrement de celle de 1973, laisse augurer un résultat satisfaisant.
Hélas, l’environnement matriarcal ne sera jamais correctement exploité et le scénario va vite s’éloigner de celui d’Anthony Schaffer pour nous proposer une intrigue de film policier lambda alignant les clichés: le flic interprété par Nicolas Cage souffre donc d’un bon gros trauma des familles qui nous sera montré à de multiples reprises via des flashbacks, l'enfant disparu est sa propre fille, il croit la voir à plusieurs occasions et se lance en vain à sa poursuite, sans oublier les séquences de rêve dans le rêve… Certaines séquences sont d’une rare débilité: le personnage principal va aller se perdre dans un champ de ruches alors qu’il est allergique aux piqûres d’abeilles; en voulant aider un homme à ramasser des bûches tombées d’un chariot, il va renverser tout le contenu du chariot
; plus tard, il va braquer l’institutrice pour lui voler son vélo, envoyer valdinguer une jeune fille d’un coup de pied en pleine figure ou latter des adversaires déguisé en ours
! Nicolas Cage livre une performance qui verse tantôt dans l’apathie la plus totale, tantôt dans le surjeu le plus grotesque.
Dans ce contexte, les scènes reprises de l’original tombent complètement à plat: il en va ainsi du passage où l’on aperçoit des hommes affublés de masques d’animaux en train d’épier le policier, ou de la fin qui perd tout son impact. Le film nous gratifie même d'un épilogue qui ne dépareillerait dans une série B horrifique, mais qui n’a nullement sa place ici.
Ce gâchis scénaristique est d’autant plus regrettable que le film est soigné techniquement, que ce soit au niveau des décors, de la très jolie photo (même si en, déployant des couleurs automnales alors que l’intrigue est directement liée à des rites printaniers, elle est, elle aussi, à côté de la plaque) ou de la réalisation plutôt élégante de Neil LaBute.
Des qualités techniques qui ne suffisent pas à relever le niveau de ce qui constitue une insulte au
film original.