⌲ CARTEL
de Ridley Scott avec Michael Fassbender, Cameron Diaz, Javier Bardem, Brad Pitt, Penelope Cruz.
Histoire: La descente aux enfers d’un avocat pénal, attiré par l’excitation, le danger et l’argent facile du trafic de drogues à la frontière américano-mexicaine. Il découvre qu’une décision trop vite prise peut le faire plonger dans une spirale infernale, aux conséquences fatales.
Cartel c'est d'abord un jeu: de cartes ou de piste, c'est la présentation d'une galerie de personnages qui vont tour à tour avoir un impact les uns sur les autres. Un thriller ne serait rien sans une mise en place stylisée de l'intrigue, mais celui de Ridley Scott, et surtout de Cormac McCarthy (auteur de livres connus et reconnus tels que La Route ou No Country for Old Men -qui signe ici son premier scénario original pour le grand écran, et qui, à l'instar d'un autre auteur à succès Brett Easton Ellis va éprouver des difficultés à adapter son écriture à l'écran) va vite tourner à vide. Car il est plus aisé, me semble-t-il, de mettre en place une intrigue de manière totalement libre et participative à un lecteur qu'à un spectateur, car le lecteur n'a devant les yeux que le monde qu'il parfait lui même en construisant et en projetant sa propre imagerie. Ce film ci a pour (seul ?) mérite de montrer la complexité de l'adaptation cinématographique. C'est ce qu'ont parfaitement réussi à faire, par exemple, les frères Coen dans No Country For Old Men -se basant il est vrai sur un ouvrage mais reprenant une intrigue se rapprochant de celle de Cartel, avec un taux de nihilisme similaire- en resserrant au maximum l'intrigue sur deux trois personnages et en faisant passer la complexité morale du récit par l'image et non par les mots. Car Cartel pèche avant tout par son bavardage et son obstination à vouloir mêler existentialisme, violence et suspense.
Imaginons Cartel comme un gros gâteau: recouvert d'une grosse couche de glaçage qui cache le contenu du dessert, parsemé de décorations primés aux Oscars que l'on a déjà dégusté sur d'autres gâteaux mais qui nous semblait beaucoup plus goûtus, et découpé en tellement de parts que l'on ne sait plus laquelle choisir et savourer. Au final on découvre que le gâteau n'a pas fini d'être élaboré, et qu'en cours de route, les pâtissiers en chef sont tellement préoccupés à affiner la couche extérieure, à remettre en place les décorations, qu'ils en perde la volonté de nous montrer l'intérieur. Oui car Cartel laisse un goût d'inachevé, pire, de vanité. Pourquoi prendre la peine de se projeter dans un film qui reste lui toujours en surface, qui n'a jamais la volonté de creuser, d'approfondir, et qui pire que tout, le laisse croire par le prisme de dialogues voulus moraux et profonds, mais qui tournent très vite au ridicule.
Cartel ressemble donc à ces films tellement surs d'eux qu'ils en oublient ceux qui regardent (La Taupe de Tomas Alfredson en est l'exemple récent parfait). Pourtant le casting fait ce qu'il peut: prisonniers de leur statut de pion/carte sans épaisseur, Michael Fassbender (qui pleure beaucoup et qui force au maximum) et Javier Bardem (et son énième coupe de cheveux improbable) semblent forcer car, comme nous, ils n'ont pas l'air de bien saisir ce qui se passe devant et autour d'eux. C'est bien dommage car on ne se demande pas au final la question basique du thriller: "MAIS QUI TIRE LES FICELLES ?" ; mais plutôt: "MAIS QUI DONC A UN CERVEAU ?". Et à cette interrogation qui ressemble à un constat d'échec, on peut sauver Cameron Diaz qui en plus d'avoir enfin trouvé un rôle à peu près stimulant (pour elle et pour nous postulants au fantasme féminin qu'elle dégage), semble être la seule à avoir exploité sa carte à jouer -même si le parallèle animal est aussi lourd que le sourire béat de Pénélope Cruz.
Confirmation personnelle que McCarthy n'est pas ma tasse de thé car enfermé dans un monde dont il ne laisse que trop peu les clés ; et déception de plus concernant Ridley Scott qui continue sans sa lignée de Prometheus et prouve que l'âge avançant, il semble avoir perdu de son mojo, et pire, de sa qualité de raconteur d'histoire et sa mise en scène, autrefois grandiloquente, se révèle de film en film comme emphatique. Vraiment dommage.
4.5/10