Mother, de Bong Joon-ho (2009) L'histoire : Une jeune fille est retrouvée morte et un jeune homme de vingt-huit ans, déficient mental léger, est jugé coupable et l'affaire se retrouve bien vite classée. Persuadée de son innocence, la mère de ce dernier va enquêter...Voilà un film qui m'avait quelque peu déçu à sa sortie et que je revois à la hausse. Je dois avouer qu'à l'époque les réussites successives de
Memories of Murder et
The Host avaient placé la barre très haut et je réalise, à présent, que les longs-métrages de Bong Joon-ho s'apprécient davantage à la seconde vision. J'espérais de sa part un polar à l'esprit très proche de son second long-métrage mais, comme son titre l'indique,
Mother s'intéresse moins à l'enquête proprement dite qu'à celle qui la mène. En l'occurrence : une veuve âgée qui aime son fils plus que tout et qui, comme bon nombre de parents, l'idéalise au point d'occulter la réalité et les preuves qui s'accumulent contre lui.
Bong Joon-ho continue de brosser un portrait peu flatteur des institutions et des puissants, qu'il s'agisse de la police qui bâcle l'enquête ou de la justice qui, plutôt que d'être débattue entre les murs d'un tribunal, se négocie dans un karaoké en compagnie d'entraîneuses. Son humour si particulier, qui s'immisce dans les moments les plus inattendus, ici la séquence de la reconstitution du meurtre, est lui aussi présent... Mais
Mother paraît bien plus sombre que ses prédécesseurs et dissèque avec subtilité la psychologie de son personnage principal au point de déranger : la mère surprotège son enfant, ne vit que pour lui et a mené une existence marquée par le don de soi et la frustration sexuelle. Bien des personnes lui manquent de respect et elle se laisse piétiner : mais si son enfant se trouve en danger, elle se révèle prête à tout.
La mise en scène de Bong Joon-ho a toujours été au service du récit, jamais tape à l'oeil : il parvient ainsi à faire de la petite ville qui sert de cadre à ce drame un personnage à part entière, aussi triste et gris que l'existence de la mère, et conserve l'attention du spectateur malgré un rythme assez lent. Il peut surtout compter sur une interprétation exceptionnelle : Kim Hye-Ja est épatante de naturel et il est difficile de croire que Won Bin, dans le rôle de son fils, a incarné depuis le héros beau gosse de
The Man From Nowhere. Sans doute moins accessible que les autres films du cinéaste,
Mother n'en demeure pas moins essentiel et s'impose comme une preuve supplémentaire de son immense talent.
Je revois la plupart des longs-métrages de la Nouvelle Vague sud-coréenne à la baisse, mais ceux de Bong Joon-ho incarnent les exceptions qui confirment la règle. Assurément la plus grande révélation de ces dernières années, tous pays confondus.
Note : 9/10