Revu en salles dans une copie de bonne qualité proposée par Carlotta.
Ça faisait un moment que je l'avais vu et je n'en gardais que peu de souvenirs.
La première partie est celle qui m’a parue la plus réussie: la description de la vie en prison, l'antagonisme entre Manny (Jon Voigt) et le directeur (John P. Ryan), l'évasion, la fuite dans des paysages balayés par la neige et le froid. On y sent bien la patte d'Edward Bunker, présent au générique en tant que scénariste et dans un rôle secondaire (je ne l’avais pas reconnu au départ avec sa boule à zéro), sans compter la citation finale qui renvoie au titre de son livre le plus célèbre. C’est parce que les personnages y sont forts et bien campés qu'on s'intéresse à leur sort par la suite. La partie centrale, où les deux fuyards se retrouvent prisonniers du train, aurait mérité d'être resserrée: il y a un peu trop de scènes dans le centre de contrôle ferroviaire qui nous éloignent du coeur du film, la relation entre Manny et Buck (Eric Roberts) et leur tentative de retrouver la liberté. Heureusement, le dernier quart d’heure clôture admirablement cette histoire en cristallisant les différentes thématiques abordées lors du film, que ce soit la relation entre Manny et Buck, la soif de liberté de Manny, le dépassement de soi, l'obsession du directeur pour éliminer Manny... C'est assez couillu de la part d'un blockbuster de se terminer sur une note intime, presque mystique, plutôt que sur de la destruction à grande échelle.
La réussite du film tient en grande partie aux trois acteurs déjà cités. Jon Voight livre une très belle prestation et fait ressortir la violence sous-jacente de son personnage, qui n'attend qu'une étincelle pour s'embraser. Son look est terrible, avec sa moustache, sa dent en or ou sa cicatrice à l'oeil, et son accent et sa voix nasillarde finissent de le rendre crédible dans son rôle de taulard. Le monologue dans le train, où l'on sent les regrets du personnage dans les conseils qu'il tient à Buck, est très puissante et constitue sûrement ce que j’ai vu de mieux de la part de cet acteur. La scène où il invective l'hélicoptère de Ranken est un peu trop longue, par contre.
Eric Roberts est excellent dans son rôle de chien fou, grande gueule, qui idolâtre Manny avant d'apprendre à connaître sa véritable nature lors de ce périple. Là encore, l'accent adopté par Roberts, ses tics de langage font qu'on y croit immédiatement (lors de la séquence où il ne cesse de répéter "I need shoes", on a envie que Manny lui ferme son clapet). Quant à John P. Ryan, il en impose dans son rôle de directeur de prison sadique. La scène où il enfonce la tête du technicien qui a osé le sermonner dans les chiottes est particulièrement jouissive. L'opposition entre Manny et Ranken est particulièrement fascinante: l'obession de Manny de retrouver sa liberté trouve un écho dans l'obsession du directeur à éliminer Manny à tout prix. Les deux personnages iront jusqu'au bout de leur obsession, avec les risques que cela implique.
La présence d'un élément féminin à bord du train n’est pas super utile, mais sert de catalyseur dans la relation entre Manny et Buck, et le moment où elle demande à ce dernier de la prendre dans ses bras, c'est le genre de moments "humains" qui différencie Runaway Train de pas mal de blockbusters.
Konchalovsky fait de son train un des personnages principaux, que ce soit grâce à son look, ou la façon dont il est filmé comme une force de la nature incontrôlable, qui donne un côté fantastique à l'ensemble. Le réalisateur parvient à rendre palpables les étendues enneigées traversées pendant le film, la sensation de froid étant particulièrement prégnante. Seules les scènes dans le centre de commandement dénotent avec l’authenticité recherchée par le cinéaste. La musique de Trevor Jones fait mal aux oreilles quand il a recours à des synthés qui sonnent affreusement eighties, mais s'avère par moments fort inspirée et rehausse les nombreux plans où l'on contemple le train filer à travers les paysages majestueux de l'Alaska.
Un bon film, qui aurait mérité d'être épuré de ses composantes de film catastrophe pour accéder au statut de grand film.