BARAKA-------------------------------------------
Ron Fricke (1992) |
8/10 Baraka est un livre d'images magnifique, tourné sur les 5 continents par un esthète pictural, qui ne peut que provoquer une admiration immédiate, et grâce de son art, une réflexion sur notre monde, entre méditation, éblouissement et révolte. Mais ses aspects muet, illustratif et trop lisse en sont aussi ses limites.
Dotée d'une science évidente du cadrage, du montage, aux timelapses fascinants, l'image est donc parfaite. Mais Ron Fricke est le seul architecte de son film, et aussi beau soit il, tout est trop construit, planifié pour vraiment sembler réel. L'émotion ne transpire que très rarement, et même si l'on ne s'ennuie jamais (une prouesse évidente vu le format), la quantité d'images s'accumule et prend des airs un peu trop superficiels. Les angles de vue sont certes réfléchis, mais l'impression de vérité s'en trouve alors amoindrie.
De plus il apparaît de façon un peu trop prononcé, le goût typiquement US pour l'exotisme oriental, ses rites et son mysticisme. En contrepartie des errements occidentaux, les sujets graves, la misère, sont abordés eux à grand renfort de Dead Can Dance, une façon un peu trop appuyée de palier ce manque d'émotion et de provoquer une prise de conscience. Car Fricke a beau aimer les vieilles pierres, l'architecture religieuse et les grands rassemblements de foule, réussissant à les filmer certes de façon magistrale, il reste néanmoins plus silencieux sur les autres aspects du vivant. Et il ne met au final que très peu en image les innombrables petites choses et anonymes qui composent aussi cette complexité. Comme si en poussant à l'extrême son esthétique, il oublie la simplicité des petits riens, leur beauté et il se déshumanise.
Certes l'ambition est énorme et là s'arrêtent mes réserves sur les notes d'intention de ce film, qui vaut évidemment plus pour sa prouesse esthétique évidente. Car Baraka est avant tout un film formidable, hors norme et courageux, qu'il faut évidemment voir pour le dépaysement incroyable et les sensations qu'il suscite. Un condensé du monde duquel nous faisons partie, à la fois beau et parfois terrible. A défaut donc d'être aussi simple qu'il ne veuille parfois nous laisser croire.