8/10
3h10 to Yuma de Delmer Daves - 1957
Sur une trame narrative qui est un mix entre le
Dernier Train de Gun Hill et Le Train sifflera 3 fois, Daves met en scène un des romans phare de Elmore Leonard et c'est le meilleur western tiré d'un Leonard ( devant
Valdez par exemple, enfin faut dire que les westerns c'est pas ce que Leonard a écrit de mieux, il en d'ailleurs fait que dans le début de sa carrière), et c'est toujours une des meilleures adaptations d'un de ses romans avec Jackie Brown et Hors d'Atteinte.
Western à la tension psychologique ultra présente, la montée de cette tension est une grande réussite et la bonne demi heure se déroulant dans la chambre d'hôtel est un modèle d'écriture et d'interprétation.
Alors c'est une intrigue linéaire, presque sans surprise mais le temps d'action réduit et le huis clos font que jamais s'est ennuyeux, le film est "très écrit", avec beaucoup de très bonnes scènes de dialogues ( les 2 scènes de repas entre autre ).
Le point décevant du film c'est quand même le climax final après une telle montée crescendo de toute façon on ne pouvait être que déçu et là quand même Daves abuse un peu sur la situation, alors je veux bien accepter que le premier tireur rate sa cible ( bon c'est déjà dur à avaler ) mais la suite c'est clairement pas génial avec du 7 vs 1 et pas un seul tireur capable de trouver un angle de tir, y avait moyen de faire mieux, largement mieux même, alors les 3 dernières minutes même si complétement happy end sont vraiment bien, enfin ça a un vrai coté amoral pour l'époque quand même (Ben Wade restant un meurtrier) et du coup c'est carrément original. Mais dommage que ce climax final ne livre finalement pas la marchandise et c'est ptet là que sont les limites de Daves en terme de réal, alors le gars était clairement doué pour raconter ses histoires, montrer les fêlures de ses personnages et tous ses films sont profondément humanistes, c'est un auteur à n'en pas douter mais il n'a pas la facilité de Mann pour les gunfight, chez Daves j'ai souvent l'impression que c'est des passages obligatoires qui ne l'intéresse pas forcément.
Dans le fond le climax est une bonne idée mais sur la forme ça rend pas super bien à l'écran.
Charles Lawton Jr. signe une magnifique photo en N/B ( mais il était aussi à l'aise avec la couleur, suffit de voir ses collaborations avec Boetticher ou bien les
2 Cavaliers ) qui donne un coté film noir au film par moment.
Donc comme je le dis plus haut si on zappe les séquences d'actions (très rare de toute façon) c'est du haut niveau, on retiendra donc surtout les scènes avec Van Helfin et Ford et la séance de "drague" entre Farr et Ford. Par contre y a une scène de mort d'une grande sécheresse que ne renierait pas Mann.
Plastiquement Daves délaisse son scope et la couleur pour un beau N/B mais jamais il n'oublie son amour pour le beau plan ( celui avec Farr seule en pleine rue regardant Ford partir est magnifique ).
La réussite du film c'est aussi le duo d'acteur, alors Glenn Ford j'en ai suffisamment dit du mal pour reconnaitre quand il est bon et ici comme dans
L'Homme de Nulle part ou bien entendu Réglement de compte, il est bon, voir même très bon ici, alors que Russel Crowe faisait juste du Crowe, ici Ford campe un vrai personnage ambigu dont on comprendra les motivations et le revirement final est bien mieux amené. Ford campe un Ben Wade magnétique, sympathique, pervers, cynique et imprévisible, sur de lui qui testera jusqu'au bout son adversaire et qui a un petit coté méphistophélès, Ford réussit à vraiment caractériser à merveille ce personnage, montrant une palette de jeu qu'on lui connaissait pas forcément. Clairement la meilleure interprétation de cet acteur qui ne m'a jamais convaincu quand il jouait les héros.
Van Helfin quant à lui c'est le genre de rôle qui lui va à merveille ( un peu à la
Shane, le même genre de fermier non violent ), dans le Mangold Bale était trop catalogué héros beau gosse du coup on lui avait filé un handicap, ici Van Helfin pas besoin d'un handicap, en homme "normal" pleins de convictions, on sent son manque d'assurance rapidement et l'évolution de son personnage en "héros" est tout à fait crédible, on a croit à ce fermier qui veut juste défendre des valeurs auquel il croit.
Quand j'ai vu Felicia Farr au casting je m'attendais pas à ce que son rôle soit aussi court, elle illumine une nouvelle fois le film de sa beauté et sa séquence avec Ford donne une scène un peu hors du temps. Richard Jaeckel, second habituel de l'époque campe le rôle de Ben Foster et il la joue moins homo friendly.
A la vision du Daves, on se rend compte que le Mangold n'apporte strictement rien de nouveau, ne corrige même pas les petits trucs un peu ratés du Daves ( la traversée finale de la ville est toujours aussi abusé ) et se permet de durer 30 minutes de plus pour rien (alors ça rajoute des péripéties et ça fait un peu le Russel Crowe Show)
Bon c'est pas mon Daves préféré qui reste
la Dernière Caravane mais c'est clairement un film indispensable du genre, un beau film.